Le poil à gratter… 
Lettre d’information de Cynorrhodon – FALDAC  
www.cynorrhodon.org  


N° 38 – novembre 2015  

  ISSN 2264-0363
 

macparis 2015
Espace Champerret – du 26 au 29 novembre 2015
Notices de présentation des 133 exposants
(Rédigées par Louis Doucet)



À macparis, les années se suivent et ne se ressemblent pas.
     Ce qui demeure et ne change pas, c’est notre conviction intime que les arts plastiques sont indispensables au développement harmonieux de la société civile, en tant que formidable outil d’intégration sociale, de promotion de la diversité et de lutte contre les replis identitaires. Ce message reste toujours mal compris du grand public, mais aussi de certains de nos politiques qui préfèreraient gouverner un troupeau de moutons homogène, aseptisé, bien-pensant selon leurs normes… La bataille est difficile, entre, d’un côté, un art officiel surmédiatisé, éphémère et facile à ridiculiser et, de l’autre, des pratiques passéistes, vides de sens et ressassées.
     Les artistes que nous présentons appartiennent tous à ce juste milieu fécond : ils ont quelque chose à dire sur notre temps, maîtrisent leur technique et prennent des risques en sortant des chemins battus, sans pour autant céder aux fascinations du miroir aux alouettes de la mode. Notre sélection se veut la plus large possible, tant en matière de moyens d’expression que de techniques utilisées. Vous n’aimerez probablement pas tout, mais espérons que, parmi les 133 propositions qui vous sont faites, certaines vous séduiront…
     Cette année, la présence de la vidéo et des courts-métrages est confirmée, avec dix films sélectionnés sur plus de cent propositions. Les installations seront plus nombreuses que les années précédentes et vous découvrirez deux nouvelles pratiques jamais présentées à macparis : la performance et la peinture murale… Autre signe de renouveau, cette année, plusieurs artistes de moins de trente ans participent à notre manifestation. Ils sont autodidactes ou ont été formés à Paris, Aix-en-Provence, Bordeaux, Nantes, Poitiers, Rennes, Strasbourg, Toulouse ou Tours. La pratique de certains d’entre eux s’ancre dans une tradition qu’ils s’efforcent de renouveler, d’autres chamboulent allègrement les cadres conventionnels.
     C’est aussi cela, l’art vivant…



Pierre Ajavon est devenu vidéaste, compositeur, arrangeur, guitariste et ingénieur du son après avoir mené des études de sociologie et s’être penché sur l’influence du mouvement psychédélique sur la culture contemporaine.
Ses vidéos expérimentales, aux pulsations endiablées, proposent une exploration visuelle de l’univers sonore et des rythmes qui l’habitent et le hantent. Il en assure la prise de vue, le montage et la mise en musique.
Les œuvres résultantes, paysages autant visuels que sonores, mêlent synesthésie et psychédélique, sans qu’il soit possible de déterminer qui de la musique ou de l’image accompagne l’autre.


Les Carlingues d’Alban imitent des plaques métalliques qui pourraient être des débris rouillés d’avions ou de machines industrielles longtemps laissés à l’abandon. Il n’en est rien… Elles sont réalisées en bois, traitées dans une sorte de dérisoire trompe-l’œil à rebours pour donner, à partir de matériaux neufs, l’illusion de l’usure et de la déréliction.
Cette forme de sublimation du rebut, fait souvent référence à une imagerie populaire, volontiers agressive ou provocante, tout en recourant à la technique de la peinture à la caséine normalement dévolue à la production d’œuvres précieuses.
En faisant s’entrechoquer le sublime et le vulgaire, en inversant les valeurs traditionnelles, en chamboulant les échelles et les repères perceptifs, Alban brouille les pistes et met en évidence la relativité des notions de high et de low. Il évoque un monde fictif où formes et couleurs s’affranchissent du carcan des conventions pour faire remonter à la surface de la conscience du spectateur des souvenirs oubliés ou des émotions refoulées.


Initialement photographe, Alione a été saisi par la peinture en découvrant les mégalopoles américaines et européennes.
Ses toiles restituent la grandeur et la violence latente des cités, empruntant simultanément à l’art brut et au street-art, tout en reconnaissant sa dette envers le cubisme de Picasso et les couleurs arbitraires de Matisse et de la tradition fauve.
Alione ne prend pas la pose. Il ne se soucie pas de développer un propos à vocation universelle. Son engagement est essentiellement à portée personnelle. Il veut seulement traduire son humeur ludique, ses crises de rage, ses enthousiasmes et ses déceptions… À nous de les partager ou non…
Une des formes de prédilection de son humeur folâtre est la déconstruction – voire la démolition – des icônes de la modernité. À cet égard, sa relecture du Déjeuner sur l’herbe de Manet est particulièrement décapante.


Fanny Alloing moule des corps qu’elle traite comme des chrysalides, des écorces, des enveloppes humaines vidées de leur substance.
Elle estampe ses moulages en plâtre avec de fines couches successives de terre, puis les soumet à une cuisson raku. Il en résulte des volumes expressifs mais fantomatiques. Ils semblent avoir souffert de la rude épreuve du feu, laquelle les a abîmés et vidés de leur contenu, tout en conservant leur forme devenue simultanément spectrale et tangible. Il n’en reste plus que la fine écorce, une peau transformée en croûte fragile, protection dérisoire d’une béance désespérante…
Métaphore de la condition humaine, de la difficulté de s’affranchir de ses propres limites, les œuvres de Fanny Alloing prennent toute leur signification quand elles sont accompagnées de son triptyque vidéo mettant en scène un corps féminin appliqué à se libérer des bandelettes qui l’enferment…


Les œuvres de Pascal Andrault restent confinées dans des camaïeux de gris, que ce soient des gravures, des dessins au pastel, des monotypes ou des peintures à l’acrylique.
Observateur de la nature, c’est en paysagiste qu’il se comporte, même quand il représente des têtes humaines. Le clair-obscur est de rigueur, résultant de la saturation de la lumière et/ou de la corrosion des supports par leur traitement de surface, que ce soit par l’acide ou par ses outils.
Le monde que Pascal Andrault nous propose est celui des friches désincarnées, des landes intemporelles, des errances émancipées des contraintes corporelles, des illusions trompeuses, des rêves ou des cauchemars éveillés, des apparences fallacieuses, des eaux troubles, de ces no man’s land où la raison se perd…
Et pourtant, la lumière est omniprésente. Balise dans la nuit de l’inconscient ou leurre pour perdre le spectateur plus sûrement ? À vous de décider…


Dans les peintures de Valérie Andriantsiferana il est question de décalages, de contrastes, de peurs et de menaces… Non sans humour, un humour souvent décapant…
Des diptyques montrent des personnages isolés, vêtus de façon stricte, à la mode des années 1950, présentés de face, peints dans des camaïeux de gris, mais dont les visages sont couverts de masques multicolores appartenant à des civilisations extra-européennes. Traduction, ô combien pertinente, du dilemme de l’humain, déchiré entre l’être et le paraître.
Ailleurs, une immense gueule de requin s’apprête à engloutir un groupe de baigneuses prenant la pose comme des statues ornant une improbable fontaine. Métaphore des dangers qui nous guettent ou incitation à continuer à jouer, coûte-que-coûte, la comédie humaine malgré les peurs qui nous menacent ?


Marguerite Artful, plasticienne et vidéaste, crée des volumes au statut incertain, tour à tour œuvres d’art, éléments de décor ou accessoires de mises en scène improbables. À ces objets simples elle confère une charge symbolique que la prise de vue révèle et magnifie en leur donnant du sens. Un sens qui n’a rien d’unique car chaque spectateur est invité à y projeter ses propres expériences personnelles.
Son mode d’expression combine la répétition de gestes simples traités comme autant de rituels au quotidien, une atmosphère profondément sensuelle qui sonde les tréfonds de l’intime, un fétichisme du banal, l’exaltation de petits riens, la réitération, jusqu’au vertige, de postures et de scénarios anodins…
Tout ceci résulte en un univers où les frontières entre le rêve et la réalité deviennent poreuses, incertaines.


Photographe professionnel, Jean-Luc Atteleyn a d’abord suivi des études en électronique. Ses travaux combinent la photographie industrielle et les savoir-faire des nouvelles technologies relatives au traitement des images 2D-3D.
Il convoque, en un même lieu, des objets étrangers qui ne devaient pourtant jamais se rencontrer, soulignant des liens et des rapports insoupçonnables entre eux. Il crée ainsi des univers vivement colorés, où les distorsions et les collages fusionnent les formes, exaltent les couleurs vives et entraînent le regardeur dans un tourbillon joyeux. Ses mondes improbables, symboliques et poétiques, suscitent l’envie d’en déchiffrer la logique sous-jacente, les codes cachés et les harmonies latentes.


Bakner est magicien professionnel. Il collabore notamment à de nombreux spectacles pour créer des effets magiques. Dans ses productions plastiques, il s’intéresse au rôle des illusions d’optique dans les œuvres du passé et dans l’histoire de l’art moderne.
Il nous livre des séries de peintures et d’objets qui transposent des tableaux célèbres en leur ajoutant une dimension et une aura illusionnistes. Pour ce faire, il s’appuie sur des principes mathématiques plus ou moins complexes et des lois de la physique optique pour inciter le spectateur à réactualiser sa vision de chefs-d’œuvre du passé – souvent issus des mouvements de l’abstraction géométrique – à la lumière des découvertes récentes de la science.
Il démontre ainsi, non sans une ironie souvent décapante, la filiation ancestrale entre art et magie. Dans cet exercice de déconstruction et de reconstruction, il laisse cependant toute liberté au spectateur pour y projeter ses propres émotions à la lumière de sa familiarité avec les productions de l’art moderne.


Les œuvres de Mo Bantman recourent à la photographie, à la peinture à l’huile et au dessin à l’encre.
Ses compositions déroutent et déstabilisent. Elles foisonnent de signes et d’images dont la rencontre est aussi fortuite que celle du parapluie et de la machine à coudre sur la table de dissection de Lautréamont. Leur lecture demande du temps et de la concentration.
Au-delà d’un premier abord, parfois jovial ou bon enfant, le spectateur, emporté dans une sorte de tourbillon, découvre, en y pénétrant graduellement, une vision souvent corrosive et cruelle de notre monde. Et, ce, avec la contrainte de ne jamais faire appel, comme matériau de base, à des images spectaculaires, séduisantes ou complaisantes.


À la manière des photoréalistes européens et américains de l’entre-deux-guerres, Maïtena Barret documente, dans ses peintures, sa vision de ses contemporains. Ses personnages, toujours figurés à l’échelle 1/1, nous fixent, nous interpellent.
Leur existence s’impose, au point de créer un malaise chez le spectateur, qui se sent dévisagé, scruté par les personnages-mêmes qu’il observe, se trouvant relégué, à son corps défendant, dans une posture voyeuriste.
Au-delà de leur présence incontournable, les corps qu’elle met en scène avec une immense empathie revendiquent une forme de droit à l’être, nous prennent à partie, nous apostrophent, nous sollicitent pour partager leur engagement, nous invitent à réfléchir à notre société et aux problèmes qui l’agitent : identité, confusion des genres, marginalité, vie en couple, solitude…


Issue du mode du textile et de la calligraphie, Sandrine Beaudun se définit comme artiste papier ou comme plasticienne de la matière.
Sa matière, c’est le papier, un papier qu’elle façonne elle-même, selon la tradition japonaise, à partir de la fibre de mûrier. Les feuilles de fabrication artisanale se présentent telles des squames, des écorces ou des mues. Elle les aborde comme des terrains d’investigations, des territoires de possibles latents qui ne demandent qu’à être activés, des champs expérimentaux de rencontre avec le vivant, des lieux de confrontation entre idée et matière…
Les pièces résultantes peuvent être planes ou en volume. Elles mettent en jeu le regard du spectateur mais provoquent aussi son sens tactile, incitant à un rapport physique, à la transgression du tabou interdisant de toucher les œuvres exposées.


Les peintures monumentales de Fabrice Béghin trouvent leurs sources dans la littérature, plus singulièrement, pour les œuvres exposées ici, dans l’Iliade d’Homère et dans La Tentation de saint Antoine de Flaubert.
Le peintre y relate des épisodes identifiables de ses textes de référence mais, à l’instar d’un metteur en scène d’opéra qui veut se débarrasser du fatras de la tradition, il les transpose dans un univers qui fait coexister des accessoires et des costumes de notre temps avec d’autres contemporains des faits relatés.
La composition emprunte aux grandes formes de la peinture classique, mais la facture est en décalage permanent avec ces modèles, mêlant, en un cocktail joyeusement détonnant – et détonant – des influences populaires, surréalistes, naïves, primitivistes, expressionnistes, misérabilistes…
Rejoignant la démarche d’un Martial Raysse ou d’un Gérard Garouste, Fabrice Béghin développe ainsi une forme de baroque contemporain qui trouve ses racines aussi bien chez Jérôme Bosch que dans le classicisme français.


Laurent Belloni s’intéresse aux reliques, au sens étymologique de ce terme – ce qui reste –, d’une action que l’on peut imaginer, à notre guise, sanglante ou paisible, accidentelle ou naturelle, rapide ou lente. Il nous place dans le rôle du paléontologue amené à se prononcer sur la structure d’une espèce disparue à partir d’un de ses fragments fossilisés.
Nouveaux Cuvier, nous devons nous interroger sur la nature de ces reliques pour tenter de reconstruire les propriétés, l’aspect de son propriétaire originel… Pourtant, malgré la forme animale, la réponse au premier degré est évidente : ce sont des branchages débarrassés de leurs écorces, parfois retaillés ou complétés par des éléments exogènes, partiellement enrobés dans de la cire aux couleurs de chair ou d’ossements. Le végétal est énoncé, mais l’animal est suggéré. Nous sommes dans le domaine d’une certaine forme de transsubstantiation dévoyée : du végétal vivant vers l’animal mort…


Jean-Marc Besacier est architecte de formation. Il a gardé, de cette vocation initiale, un regard analytique et structurant sur les lieux, les paysages, les objets et les personnes qu’il photographie. Les images qu’il nous livre sont des reconstructions raisonnées de la réalité, avec des lignes et des plans nets, comme découpés au scalpel. Il affectionne les sujets présentant des formes géométriques, des angles affirmés, les constructions orthogonales et les espaces solidement architecturés, en particulier les sites industriels et les produits du design.
Dans ses photographies, proches de la monochromie, les quelques taches de couleurs jouent le rôle d’éléments structurants, de points de focalisation de l’attention du spectateur, à l’opposé de toute tentation d’un quelconque réalisme pictural.


Frédéric Blaimont porte un regard sans concessions sur le spectacle de la rue et des espaces publics. Ses personnages débonnaires et souvent ventripotents sont d’une absolue banalité, mais semblent condamnés à une totale solitude, même lorsqu’ils sont figurés en groupes. Cependant, l’apparente méchanceté d’un réalisme sans complaisance masque une immense bienveillance et une sympathie infinie pour ses sujets et pour leur situation d’abandon.
Frédéric Blaimont prend pour point de départ la banalisation de l’image, caractéristique de notre époque. Mais, chez lui, la banalité se mue en héroïsme, la nonchalance en vaillance, la vacuité superficielle du propos en recueil de confidences intimes. C’est la peinture, et la peinture seule, qui fait de ces anonymes, détourés de leur environnement, des héros de tragédie grecque, des demi-dieux de sagas probablement insignifiantes.
L’artiste se comporte ainsi en ethnologue et en sociologue de notre époque.


Tout juste diplômée de l’École des Beaux-Arts de Toulouse, Camille Blondel fait du corps, de son propre corps, l’objet unique de son propos plastique.
Elle expose son intimité dans des mises en scène narcissiques qui mêlent authenticité et fiction. Le corps de l’artiste devient ainsi le corps de l’œuvre et le corps de l’œuvre devient public. L’aspect individuel se fond alors dans la masse.
Pour Camille Blondel, le recours à la nudité est un moyen figuré de montrer la mise à nu d’un témoignage. Elle encourage une forme de voyeurisme, métaphore de l’attitude de l’homme contemporain devant les événements de l’actualité.
Pour macparis, Camille Blondel propose une performance dont le cadre et les vestiges constituent, à leur tour, une œuvre laissée à l’appréciation du public.


La peinture de Philippe Bluzot traite du quotidien, du banal, de l’ordinaire, que ce soient des paysages urbains, des intérieurs, des souvenirs de vacances, des scènes intimistes, des natures mortes ou des portraits. Il s’intéresse à ces petits événements – ou non-événements – de la vie quotidienne qui servent de prétextes et de points de départ pour construire un tableau.
Bien que partant d’images photographiques, il se garde d’emprunter la voie de l’hyperréalisme. Il tente plutôt, par des floutages et de menues et subtiles variations de la pâte picturale, de rendre le trouble du réel, son inquiétante étrangeté, de mettre en évidence l’écart entre la réalité des choses matérielles, leur perception et ce que l’on imagine ce qu’elles sont.
L’artiste s’exprime : « Cela passe par la (re)construction d’un espace sensible où l’intervention de la main, l’emploi des pigments, la composition, les valeurs, la lumière, les recherches de matières sont autant de questionnements, de champs d’investigation sur les apparences du monde dans lequel on baigne. Je me frotte à cette réalité et tente d’en faire apparaître ou exister une présence capable, par sa puissance visuelle, d’interpeller le regard. »


Patrice Bodart traite du chaos, principalement de celui créé par l’homme et entretenu par lui, source de précarité et de doutes sur l’avenir.
Il utilise des plaques et des rouleaux d’imprimerie offset en aluminium destinés au rebut après avoir servi à imprimer. Modernes palimpsestes, ils portent des strates de textes et d’images, d’histoires et de mémoire humaine, comme pour signifier que, malgré l’inexorable augmentation de l’entropie de notre monde, les écrits et les images restent les derniers remparts contre la barbarie, contre la perte de savoir, contre la réécriture de l’histoire.
Pour traduire ce monde flottant entre tradition et précarité, entre déclin et sursaut vital, Patrice Bodart utilise les quatre couleurs de base de l’impression en quadrichromie ainsi que quelques encres métallisées, de couleur argent ou bronze.


Laure Boin dessine. Elle dessine des corps humains nus dont les têtes sont remplacées par celles d’animaux : chiens, poules, perruches, lionnes, loups, gazelles, sangliers, moutons…
L’artiste s’exprime : « Un jour je me suis dit: Les hommes sont tous des chiens ! Je me suis vite rendue compte que nous avons tous nos animaux totem, que les chiens sont des êtres fort sympathiques et que notre part d’animalité s’impose… Depuis, quelques bêtes sont venues poser dans mon salon. Je les travaille à la mine de plomb ou au stylo à bille et pose des milliers de petits traits, tantôt poils, pores ou plumes, sur des grands formats. J’aime l’idée du lieu unique pour ce travail, en tant que partie intime sédentaire, visitée de temps à autre par des proches. »


Venu de la gravure et de la sculpture, passé par la peinture et le dessin, Hervé Bourdin développe, depuis quelques années, une technique qui mêle infographie, impression numérique et peinture acrylique.
Il nous livre des sortes de saynètes dans lesquelles des individus débonnaires et sympathiques, qui pourraient être nos voisins de palier ou des collègues de travail, se livrent à des activités qui combinent, dans la même page, le grotesque et le tragique. Le regard jeté sur la société est acide, décapant, mais aussi rempli d’une profonde empathie pour les personnages mis en scène.
Par certains aspects, son graphisme évoque celui de la bande dessinée, domaine que l’artiste a investi en produisant des albums qui donnent à ses compositions une dimension narrative plus explicite.
Plus récemment, Hervé Bourdin s’est approprié la technique de la vidéo qu’il combine avec des installations.


Chez Carlos Brache, le dessin est premier. Il est, selon les propos de l’artiste : « le verbe avant le verbe, la ligne qui fait son apparition dans l’immense espace de la toile, un défi, une incitation à marquer le monde blanc du papier. »
Ses feuilles grouillent de personnages vaquant à leurs occupations habituelles dans une effervescence qui évoque les compositions de Bruegel ou de Bosch. Il y a du picaresque, chez cet artiste d’origine péruvienne, dans l’acception originelle de ce terme, autant de prétextes à présenter des tableaux de la vie ordinaire et des scènes de mœurs, où le héros entre en contact avec toutes les couches de la société.
Quand la couleur fait son apparition, elle est, de l’aveu même de Carlos Brache : « rageuse, chaleureuse, capricieuse, froide, triste, joyeuse ou déprimée et envahit le tout comme l’air qui danse à nos côtés pendant les jours sans lune dans les poches. »


Florence Brodard nous livre des grands dessins au pastel gras sur papier. Son univers est peuplé de créatures improbables dont les formes amiboïdes déjouent toute tentative de fixation d’une échelle. Microcosme ou macrocosme ?
Les images de Florence Brodard sont les reflets spéculaires d’un univers ancré dans l’inconscient. Ce sont des incarnations graphiques d’un lent processus d’émergence instinctive de formes probablement refoulées. Même si la démarche en est radicalement différente, profondément individuelle – individualiste, même – ces dessins peuvent faire penser aux cadavres exquis des surréalistes.
Le résultat, loin de toute grandiloquence ou de tout drame, est à la fois spontané et mûri, naïf et expressif, gai et dérangeant…


L’univers de Danielle Burgart est peuplé de corps placés dans des environnements insolites et dérangeants qui font penser à ceux des œuvres de Paul Delvaux ou de Max Ernst.
Ses personnages, mi humains mi animaux, solidement modelés par des ombres et des lumières, sont figés en plein mouvement, muscles tendus. Inexpressifs, ils ne sont plus que des sortes de résidus visibles de l’être, seuls moyens de communication et de relation avec leurs semblables.
Paradoxalement, ces corps sans identité précise se muent en champs de pure expression, dépassant largement leurs limites. La tension suggère une violence latente, prête à exploser, mais sans volonté destructrice. Il s’agit, en quelque sorte, de la matérialisation de la part d’animalité ou d’inhumanité qui réside en chaque être et qui cherche à se dissoudre dans la sensualité de son environnement. Une sorte de rébellion intérieure concrétisée par la seule posture du corps, mais sans personnalisation ni psychologisation. Une métaphore de notre humanité.


Yanik Buttner, peintre, s’inspire de la technique de la photographie numérique pour produire ses tableaux.
Son matériau de base est composé d’images de provenances diverses – illustrations, captures de webcams ou de caméras de surveillance, pages Internet… – dont il exacerbe l’expressivité en les décomposant et les recomposant, en les superposant ou les juxtaposant, en les déformant en recourant à des techniques 2D et 3D.
Une fois transposées à l’huile sur des panneaux de bois, elles se muent en icônes profanes reflétant des instants de vie, traduisant des moments d’euphorie ou de méditation, suscitant des réactions d’horreur ou d’hilarité. Le spectateur ne peut alors éviter de considérer ces compositions comme des miroirs réfléchissants de sa propre individualité.


Yvonne Calsou est vouée au noir et blanc, que ce soit sous la forme de dessins à l’encre de Chine, d’installations, de vidéos, de photographies ou de livres d’artiste.
Son propos constant est de faire vivre l’art comme une expérience sensible nourrie de tensions contradictoires : noir et blanc, ombre et lumière, nuit et jour, négatif et positif…
La nature est un des thèmes prédilectifs de son travail. Il ne s’agit pas, pour elle, de chercher à la reproduire dans sa beauté ou sa fragilité mais plutôt de traduire les liens sensibles que l’homme entretient, consciemment ou pas, avec son environnement. Il est aussi question de la spécificité humaine, de la fragilité de la vie, de la pérennité de la mémoire…
Les œuvres d’Yvonne Calsou sollicitent l’imaginaire du spectateur, font écho avec sa propre histoire, avec ses souvenirs et ses expériences. Elles lui demandent aussi de déchiffrer l’ambiguïté de ce qui est donné à percevoir et de ce qui fait sens.


Le travail de Laure Carré procède par superpositions de couches qui masquent ou révèlent un substrat composé de matériaux divers : formes réalistes et constructions abstraites, plages sensuelles et zones de griffures, univers animal et humain…
Les formes et les images convoquées appartiennent le plus souvent à l’univers domestique : maisons, intérieurs, animaux de compagnie, corps affairés à des tâches ménagères… Elles racontent une histoire que chaque spectateur est incité à lire à l’aune de son expérience de la vie. Il est alors invité à se muer en archéologue de sa propre intimité pour exhumer et faire résonner les reliques de ses aventures antérieures.
Le dessin de Laure Carré mêle fragilité et sensualité, démonstrations de force et marques de faiblesse, domination et soumission, humanité et bestialité, dépouillement et excès, densité et légèreté, immédiateté et inscription dans la durée… Autant de pistes, de chemins de traverse, que le regardeur peut, à son gré, emprunter ou délaisser…


Cécile Carrière pratique le dessin.
La représentation du corps est au cœur de sa démarche. Ses feuilles racontent des histoires qui décrivent la circularité de la vie, de la naissance à la mort, de la mort à la résurrection. Ils abondent en métaphores évoquant la nutrition, la sexualité, la gestation, la parturition, la parole, la mort, l’ensevelissement et le réveil.
Le palmier fermé et la montagne, simultanément ventre, tumulus et tombe, en sont les représentations les plus prégnantes. Les lignes matérialisent les flux physiques et temporels qui relient les différentes composantes de ce cycle vital infiniment rejoué. Les corps deviennent choses inertes et les objets s’incarnent, décrivant une nouvelle théogonie qui tente d’ordonner et de donner sens au chaos originel.


Chez Alain Cauchie tout part d’une coulure colorée de peinture acrylique sur une bâche posée au sol. Quand elle est sèche, il la décolle et la retourne, révélant un ensemble de menus accidents désormais piégés, imprimés, dans la matière de la fine pellicule. Transférés et collés sur papier, les lambeaux deviennent matière première pour des compositions coloristes qui doivent beaucoup à l’abstraction étasunienne de la fin du siècle dernier.
Une variante de ce processus consiste à enrober des fragments de calque polyester dans de la peinture acrylique puis de les suspendre, tels des dépouilles, ou les assembler avec des structures en PVC expansé pour former des objets en trois dimensions.
Au-delà de la rutilance des couleurs et de l’infinie liberté des formes, les travaux d’Alain Cauchie ouvrent le débat sur l’essence de la peinture : matériau, acte créateur, résultat de cet acte… Chacune de ces choses et toutes à la fois…


Émilie Chacon, photographe, déconstruit certains de nos mythes, codes et stéréotypes contemporains à travers la figure de la poupée Barbie.
Au-delà d’images empreintes de poésie nostalgique, baignées dans une atmosphère rétro, Émilie Chacon pose la question de notre capacité à distinguer la réalité de sa caricature, telle qu’elle nous est présentée par l’imaginaire collectif, les normes et les modèles que la société nous impose, souvent à notre insu. Elle s’attaque principalement aux mythes de la féminité, qu’elle dynamite de l’intérieur en poussant à l’extrême les images-écrans, stérilisantes, sclérosantes et mortifères, qui nous sont proposées à travers la célèbre poupée.
Frédéric Charles Baitinger résume l’essence de la démarche de l’artiste de façon percutante : « À quel moment l’image que nous nous faisons d’un être, d’un groupe humain, d’un phénomène culturel, acquiert une sorte d’autonomie fictive qui lui donne le droit de venir donner à la réalité un modèle auquel se conformer ? »


De son expérience passée dans la haute couture, Émilie Chaix a conservé un intérêt pour les tissus, la broderie, les ornements et les parures.
Ses sculptures textiles résultent d’une démarche artisanale, combinant patience et minutie, pour révéler la poésie de ses matériaux de prédilection. Elle les détourne, les dénature, leur invente des usages nouveaux, pour produire de curieux fétiches, des totems très incarnés, des trophées d’une sensualité exaltée. Leurs formes organiques évoquent le sang, les viscères, la peau, de monstrueux insectes ou des mollusques sous-marins.
Ces œuvres, situées à égale distance du vivant et de l’inanimé, oscillant entre cruauté et bénignité, provoquent simultanément attraction et répulsion. Elles s’affichent comme des reliques d’une humanité en devenir, de fantasmes réfrénés ou de pulsions inassouvies. Métaphore limpide d’une humanité en quête de ses origines, de repères pour survivre…


Peintre née en Angleterre, élevée en Espagne et vivant en France, Rosemary Chatin est une artiste multiculturelle.
Son propos est de représenter la femme dans le monde actuel. Elle la dépeint dans ses fonctions sociales : mère, fille, épouse, sœur, amie… mais aussi dans ses rôles de fédératrice, de confidente, d’éducatrice… mettant en avant ses qualités de tendresse, de philosophie et de tolérance universelles.
Sa technique, très anguleuse, évoque certains expressionnistes allemands à la palette assourdie, plus particulièrement Max Beckmann, revisitée à la lumière du cubisme et du bad painting étasunien des années 1970, mais aussi du traitement du corps féminin chez Willem de Kooning.


La peinture d’Alexandra Chauchereau résulte d’une recherche sur l’identité sociale, familiale ou professionnelle.
Elle récuse l’idée selon laquelle la société doit enfermer chaque individu à sa juste place, dans une case codifiée et prédéterminée. Elle stigmatise la bureaucratisation des rapports humains et tous les conformismes sociaux. Pour matérialiser son propos, elle réalise de grands portraits auxquels elle associe un code à barres ou un écriteau. Elle dénonce ainsi le besoin de notre société d’étiqueter tous les individus.
La bonhomie des personnages figurés, leur humanité chaleureuse, leur fragilité font cependant office de contrepoids à la dureté de son propos.
À sa façon, elle nous dit : « méfiez-vous des apparences trompeuses. »


Depuis quelques années, Martin Cherel investit le domaine de l’environnement sportif en tant que producteur de formes, d’images et de comportements… Il aborde la question de plusieurs points de vue : le terrain, l’athlète, le supporter, le spectateur, le mécénat…
Ses œuvres sont d’une ironie féroce, dénonçant la quasi-sacralisation des manifestations sportives, la marchandisation des produits dérivés, les enjeux financiers du sponsoring, la récupération politique des événements, le mimétisme grégaire des supporters…
Certaines ne manquent pas de poésie, telle cette construction qui fait d’une cage de but d’un terrain de handball un hamac… À moins que ce ne soit le contraire… Ou bien encore cette table de ping-pong dont le filet est une lame de scieur en long.


Nicolas Cluzel est un jeune artiste formé à Aix-en-Provence. Il pratique une peinture expressionniste d’une rare violence.
Il y a dans ses mises en scène de saccages, de corps en éclat, d’explosions, de personnages déchiquetés, une forme d’obscénité, au sens étymologique de ce terme : obscenusde mauvais augure.
Christian Noorbergen écrit : « Nicolas Cluzel est un bougre-à-peindre qui étreint tous les délits délurés d’une peinture à grands délires. Il ne craint pas la chute libre, et abandonne tous ses repères. Il sait lâcher ses coups d’art à coups acérés de scalpel mental. Ses traits esquissent des apparences violentes, déchirent les attendus graphiques, et outrepassent les périmètres normes. Il œuvre à l’arrache, et ses arrachements cruels crucifient la séparation d’origine, quand le corps humain, pour faire exister l’humanité, prend distance tragique avec le corps de l’univers. Nicolas Cluzel sait oser l’abîme. »


Les photographies d’Anne Colson sont, suivant ses propos, des accidents qu’elle provoque. Son approche s’apparente à celle du peintre, en ce qu’elle prend son imagination pour point de départ plutôt que des images de notre environnement qui s’imposeraient à elle.
Fascinée par la biologie, par l’organisation des cellules, par les rapports d’échelle, elle bouscule allègrement les réalités et les valeurs admises, brouille les pistes, pour proposer sa propre relecture du monde.
Sa série Les barbues ! s’inspire de la peinture flamande de la Renaissance. Elle nous donne à voir des images de têtes de jeunes femmes bâillonnées dont la chevelure devient alors barbe opulente. Le résultat est déstabilisateur et il faut un bon moment d’observation pour que le spectateur démonte le mécanisme de production de ces monstrueuses icônes androgynes.
Ailleurs, dans sa série Cinq méditations sur la beauté, inspirée d’une chorégraphie de Michaël d’Auzon et du livre éponyme de François Cheng, elle aborde une thématique que l’art moderne et contemporain a éliminée, a placée hors-champ du domaine de l’expression artistique : le Beau. Encore une façon de bousculer les a priori et les données considérées, à tort ou à raison, comme acquises…


Dans son atelier installé dans une clairière de la forêt de Paimpont, au cœur de la Bretagne mythologique, Yannick Connan rêve de faire un lien esthétique entre la vision intuitive, spirituelle et la construction empirique, scientifique.
Il travaille le granit, le bois et le verre en réalisant des trous, des cavités, dans son matériau, au point de l’évider presque complètement. Il révèle ainsi l’intériorité de la matière, suggérant une quatrième dimension sous l’aspect d’un espace qui s’ouvre dans la forme, celle de l’intérieur de l’être ou du vide du cosmos. Sa démarche permet, selon ses propos, de mettre en évidence « l’intérêt pour la part d’universel que l’on porte en nous, ce qui nous permet, un moment donné, de trouver un point de rencontre au-delà des divergences de la sphère sociale. »
Ses dessins au pastel estompé, en noir et blanc, visent la même finalité, créant un tourbillon dans lequel l’observateur est aspiré, perdant tout repère et toute notion d’échelle.


Rose Coogan est céramiste. Rien à voir, cependant, avec l’idée que l’on se fait habituellement de cette pratique trop rapidement réduite à la réalisation de petits objets d’agrément ou à usage domestique.
Rose Coogan recycle des objets en céramique de la vie quotidienne. Elle collectionne des tasses, des soucoupes, des assiettes, des figurines, des briques… récupérées çà et là. Elle les associe, les assemble, les hybride, dans de stupéfiantes constructions, puis recuit l’ensemble. Les objets, cassés ou abîmés, voués à l’abandon, se voient alors offrir une seconde vie sous une forme autre, a priori insoupçonnable.
L’artiste ne reste pas dans le registre des sculptures de petites tailles. Elle peut les combiner avec d’autres objets recyclés pour produire d’étonnantes installations. Vague convoque ainsi un vieux fauteuil capitonné délabré pour servir d’assise improbable à une de ses reconstructions en céramique.


Damien Coupeté associe peinture et dessin pour nous livrer ses commentaires sur les sujets les plus variés : l’histoire, la littérature, la philosophie ou l’actualité. Au premier abord, ses compositions se présentent comme d’inextricables et grouillants capharnaüms qui font écho aux compositions de Jérôme Bosch ou de Pieter Bruegel. Ailleurs, on pensera aux peintures de Max Beckmann ou de Philip Guston.
L’artiste veut brouiller la représentation et explorer les aléas de l’existence humaine en proposant des mises en scène dans lesquelles les êtres et les objets se côtoient. Il se défend cependant de l’accusation potentielle d’éclectisme ou d’incohérence en déclarant : « Ma démarche artistique peut donner l’apparence d’être chaotique, éclectique, ouverte et même piratée à partir de plusieurs sources. C’est un processus arbitraire où la création de l’image relève d’un arrangement entre les idées et les sujets, ce qui permet d’explorer et de jouer à la fois sur le fond et sur la forme. »


Après avoir créé d’étranges compositions dans lesquelles des animaux naturalisés – souvent des oiseaux – prenaient la place des humains, dans une atmosphère proche de celle de certaines planches vieillottes et surannées des livres illustrés par Max Ernst, Maëlle de Coux, s’intéresse toujours au papier qu’elle malmène, macule, déforme. Chez elle, cette matière première évoque une peau qui se ride, trahissant les effets du temps.
Ses napperons, avec leurs motifs symétriques d’étoiles, de fleurs ou de rosaces, renvoient à des ouvrages de dame et à un temps révolu, réveillant, chez le spectateur, des strates de souvenirs d’enfance à la limite de l’effacement.
Ailleurs, Maëlle de Coux part d’un album de coloriage désuet et en macule des parties à l’encre noire épaisse, comme pour occulter des pans entiers, inavouables, de sa mémoire. Le noir des peurs irraisonnées, mais aussi celui des graveurs et des imprimeurs…
Maëlle de Coux continue donc à anéantir l’écart entre les choses et leur apparence, dans des confrontations qui convoquent et interpellent la sensibilité du spectateur, sa propre histoire, ses rêves, ses dilections et ses phobies.


Les Sanctuaires de Julien Cresp sont des bâtiments désaffectés : combinats sidérurgiques d’Europe de l’Est, distilleries guadeloupéennes, haciendas mexicaines, villes soviétiques… Ces constructions, vestiges d’une activité humaine disparue, sont traitées comme les pages d’une histoire économique et sociologique des territoires parcourus.
L’artiste les réinterprète en leur donnant une dimension mystique, en leur conférant le caractère de modernes cathédrales, de sanctuaires d’une vie et d’un travail révolus. Elles deviennent des métaphores poétiques pour traduire les peurs qui, plus ou moins consciemment, nous assaillent.
Pour arriver à ses fins, Julien Cresp réalise une photographie numérique puis lui applique numériquement une nuit américaine. Les lueurs bleutées qui surgissent jouent le rôle de halos, d’auras, pour souligner l’ancienne présence laborieuse d’hommes et de femmes partis sans laisser de traces.


Sara H. Danguis peint le vide, l’évanescence ou l’absence. Ses images sont issues de la forêt des souvenirs d’enfance ou des rêves éveillés d’un adulte qui refuse la fatalité des choses. Elles sont empreintes d’un mélange indécis de cruauté et de tendresse, évoquant l’inquiétante étrangeté freudienne.
Ses cadrages sont resserrés, à la mode de la photographie, soulignant la courbe d’un corps, un visage proche de la dissolution ou une posture éphémère. Le spectre des couleurs est étroit, avec des dominantes bleutées, mais la texture reste bien réelle, très présente, agissant en contrepoids à l’ambiance onirique latente.
Sara H. Danguis travaille par séries. Après la perte de son atelier, elle s’est appliquée à réaliser, chaque jour pendant un an, un autoportrait. Plus récemment, elle s’est intéressée aux travestis (série Les hommes) ou à des cadrages insolites sur des parties de l’anatomie féminine (série Empreinte).


Corinne De Battista emprunte des images surannées, des photographies d’archives. Elle les transcrit sur toile en les arrachant à leur contexte originel pour leur conférer une monumentalité qui contredit leur caractère intimiste initial.
Fragments d’un temps révolu, recomposées à l’aune du temps présent, ces effigies quasiment monochromes, comme leurs modèles, nous interpellent et nous forcent à nous interroger sur l’essence-même des souvenirs, de l’enfance et de ses jeux plus ou moins anodins, de la découverte d’un monde souvent cruel, du dédoublement de la personnalité suscité par le rêve…
Peuplées de fantômes, les peintures se muent aussi en memento mori soulignant la relativité et la fragilité du souvenir d’être chers depuis longtemps disparus.


Depuis 2012, Sébastien Delahaye travaille sur la notion de blessure dans une série intitulée Wounds. Les blessures dont il est question, dans ses tableaux, sont les souvenirs d’une souffrance physique ou psychique que chacun expérimente un moment ou à un autre dans le cours de sa vie.
Ces cicatrices de l’histoire sont mises en scène dans des toiles de grandes dimensions qui évoquent, chacune, un parcours individuel, une destinée humaine, avec ses alternances de moments calmes et de crises : perte d’un être cher, maladie, fractures, expérience de la guerre, doutes religieux, conflits intérieurs ou extérieurs…
L’artiste procède par accumulation et par juxtaposition de plages et d’objets contrastés, comme le sont les étapes et les accidents d’une vie. On y trouvera, au fil des numéros, des assemblages de papier, de cuir, de bois, de fleurs séchées, de patins à glace, de métal ou de matières plastiques…, des plages traitées à l’eau de Javel, au graphite, au pastel, à l’huile, au gesso, à la résine, à la cire… Métaphores de la diversité d’une vie humaine…


Rémi Delaplace créé des paysages imaginaires qui illustrent ou s’affranchissent des lois physiques : gravitation, lévitation, trajectoires… Ses compositions sont tectoniques, avec des couleurs vives, comme celles qui servent pour les relevés géologiques ou l’établissement de cartes géographiques. On pense aussi aux objets mathématiques matérialisés par des maquettes en bois ou en plâtre, aux dessins d’architecture urbaine, aux maillages de volumes utilisés en mécanique des fluides ou en imagerie numérique…
Il y est question d’intérieur et d’extérieur – d’où le nom générique de la série – Inside, outside –, de plis et de déplis, d’orientation, de positionnements respectifs de corps et d’objets dans l’espace, de soi et d’altérité. Autant de symboles d’ouverture vers l’autre et de repli identitaire.


Demin est psychanalyste. Il a pratiqué son métier pendant quinze ans avant de commencer, en 2012, à travailler sur ses installations mécaniques. Il se propose de traduire en volumes les troubles pathologiques des individus qu’il observe. Tourments, obsessions, traumatismes, peur ou fantasmes trouvent ainsi une traduction plastique.
Ses figures, explicitement et violemment sexuées provoquent des réactions, à tel point que sa Machine à accoucher fut censurée et dut être retirée d’une exposition collective à Aubagne, en 2014.
De ses Anges articulés, il écrit : « Qu’attends-tu de moi ? L’acrimonie coule dans mes veines et je finis par perdre le goût de l’éternel. L’espoir m’abandonne, mes ailes me fuient, mon corps se fissure. Je plonge dans l’affliction, je crée le deuil de ma dévotion. J’ai tout donné, allant jusqu’à brûler mes ailes dans l’expectative d’un monde meilleur. Qui m’aidera à m’ensauver, à me rendre la flaveur de la vie éternelle. Dans un dernier espoir, j’implore que l’on me rende grâce, que l’on déploie mes ailes… »


Les peintures de Laurent Deschamps présentent des structures vermiculaires, des labyrinthes colorés générés par les errances d’un trait infini qui chemine, capricieux, tortueux mais incisif, faisant apparaître des images fluctuantes qui semblent sorties de notre imagination : personnage, algue, lettre, cercle, idéogramme, bonhomme…
La forme naît a posteriori, surgissant d’un geste sans aucune préconception. Elle reste toujours sujette à l’interprétation du spectateur. Une infime variation – dans le trait ou dans l’état du regardeur – peut en modifier radicalement l’apparence.
Le trait devient acteur structurant d’un chaos ambiant aux couleurs chatoyantes. L’artiste, qui le guide ou se laisse guider par lui, se mue en deus ex machina appliqué à diminuer l’entropie du monde.


Jean-Paul Devin-Roux est vidéaste, photographe, performeur, plasticien et scénographe. Son travail, quel que soit son mode d’expression, ne propose pas seulement au spectateur une expérience sensorielle particulière mais il l’engage dans une activité à la fois physique et mentale qui exige une certaine disponibilité. Il développe un imaginaire singulier, voulant susciter, chez le regardeur, un désir de créer, de réinventer son propre rapport à l’espace.
De sa vidéo Seuil(s), il déclare : « elle affirme une théâtralité ouverte, récurrente, avec des scénographies où la danse et la collaboration avec des danseurs-performeurs se révèlent comme le nerf de ma création. Elles n’exposent pas un récit, mais un événement a lieu, laissant au spectateur une libre projection à partir des éléments proposés par un dispositif d’un ou plusieurs écrans vidéos : images scéniques et images numériques en plan fixes, mouvements et déplacements du corps du danseur, immobilités et intensités, l’espace et la lumière. »


Marie Donnève, formée aux arts du spectacle, est une autodidacte en peinture. De son métier d’origine et de sa pratique de chantiers pluridisciplinaires, elle s’est approprié les notions d’hybridation, de métamorphose, de transformation.
Ses peintures se situent dans un entre-deux, probablement fragile, où l’absurde se confronte à la réalité, le factice au concret, l’être au paraître, la certitude au doute, le fantasme à l’évidence, l’absurdité à la froide rationalité… Elle pratique, non sans humour, le détournement – à vrai dire, il serait plutôt question de kidnapping, sans demande de rançon – d’images banales, privées ou tirées de l’actualité, pour les acclimater dans un environnement autre, après avoir consciencieusement brouillé les pistes et effacé toutes les traces du crime.
De cet espace de liberté qu’est l’acte de peindre, elle fait, selon ses propos, un dialogue avec l’étrange et le monstrueux, une analogie d’une évolution, d’une métamorphose, la manifestation de la présence indicible d’un autre, d’un ailleurs.


Antonius Driessens se définit comme sculpteur écoresponsable en bois brûlé et bois vieilli. Ses œuvres sont réalisées avec du bois de récupération qui a vieilli des années et a été dégradé par le temps et par les éléments.
Antonius Driessens met en avant les défauts résultant de ce long processus de transformation et souligne les contrastes entre les différents types d’érosion. Les planches brutes, plus ou moins lisses, s’opposent ainsi à celles dont la surface, devenue grumeleuse, a été brûlée.
Avec cette matière première aux caractéristiques physiques contrastées, il réalise des pièces murales géométriques qui donnent l’illusion du volume. Les perspectives y sont arbitrairement accentuées, les points de vue et de fuite inattendus.
La simplicité superficielle du processus masque une profonde réflexion sur l’illusion, sur la relativité de la perception de l’espace et du temps, sur le recyclage et le détournement, sur l’opposition entre matières vivante et inorganique…


Mélanie Duchaussoy pratique le monotype, technique de multiplication qui ne produit pourtant que des œuvres uniques.
Elle détourne les codes plastiques du portrait et s’affranchit de ses conventions pour figurer des personnages, mi-femmes mi-animaux fantastiques, hybrides et improbables. Ce sont des figures d’héroïnes anonymes et non identifiables, façonnées à l’énergie animale. Elles deviennent signes d’une vitalité intérieure, expression d’une dynamique des émotions, fragments instantanés d’histoires indicibles, miroirs des angoisses de notre temps.
Mélanie Duchaussoy nous emporte à la charnière entre humanité et animalité nous forçant à nous interroger sur la part de bestialité qui dort en chacun de nous.


Ecloz est devenu graffeur dès l’âge de quinze ans. La pratique de son art le rendra clandestin et nomade, poursuivi par la police et par la justice, condamné à de lourdes amendes. Ce mode de vie, toujours sur le qui-vive, et ces sanctions ne l’arrêteront pas dans son élan créateur.
Progressivement, cependant, il élargit son spectre d’interventions en photographiant ses réalisations en extérieur. Il aborde enfin la peinture sur toile, plus conventionnelle dans son support. La peinture acrylique rejoint alors la bombe aérosol mais ses compositions restent animées du même esprit libertaire et contestataire que ses graffs muraux.
Il y a, dans ses réalisations, quelque chose de la performance, des traces de pulsions incoercibles qui ne reculent devant aucun sacrifice pour s’exprimer, de la prise de risques et de la recherche permanente du dépassement physique.
Ecloz affiche une prédilection pour les visages féminins partiellement maculés, griffés, agressés par les traces de bombage.


Éric Éric peint à l’acrylique sur de la toile de fibre de verre, celle-là même que l’on pose sur les murs des appartements et des bureaux. C’est un matériau très contemporain mais peu adapté à la peinture traditionnelle et très contraignant à peindre.
Sa thématique emprunte au répertoire de la peinture pop, avec force icônes de la modernité étasunienne mais plonge aussi ses racines dans une culture européenne irriguée par des figures tutélaires qui vont de Vinci à Einstein en passant par le Michel-Ange de la chapelle Sixtine. Ses thèmes font souvent référence à des questions politiques ou d’actualité. Le champignon d’une bombe atomique fait écho à Einstein tirant la langue. Un trader crucifié au nom de Wall street côtoie Angela Davis nous intimant de garder le silence…
Éric Éric reste inclassable… Tant mieux, car il refuse d’être rangé dans une case ou dans un tiroir…


Les dessins de Claire Espanel sont réalisés à la pierre noire sur de grandes feuilles de papier calque. La matité diaphane de ce support leur confère de rares qualités tactiles et sensuelles. Elle incite à transgresser le noli me tangere naturellement attaché aux œuvres plastiques en état de monstration.
Ses compositions évoquent des créatures indéterminées flottant à la cime des arbres dans des sous-bois crépusculaires, des corps hybrides lévitant dans un espace à la lumière cristalline, la chute vertigineuse de carcasses démembrées, la rencontre de l’eau et de l’air également insondables, des crépuscules interminables…
L’atmosphère doit évidemment au surréalisme dans son versant nocturne, mais on y trouve aussi des réminiscences lointaines d’œuvres de Kubin ou de Böcklin.


Gérald Foltête est un calligraphe obsessionnel. Il copie, sur de grandes feuilles de parchemin, l’intégralité du contenu d’ouvrages de ses auteurs de prédilection : Hugo, Zweig, Gogol, Dostoïevski, Brautigan, Ogawa, Virginia Woolf... Il peut aussi retranscrire la codification hexadécimale d’une image stockée dans un format informatique. Les textes sont partiellement occultés par des taches, des pâtés, des coulures, des ratures ou un réseau de lignes vagabondes. Ils sont souvent rehaussés de motifs marginaux à l’encre de Chine.
Les images résultantes affectent l’aspect de parois abruptes, de forêts impénétrables ou de cimes montagneuses. Gérard Foltête les complète, parfois, par la mise en scène d’un morceau de pierre doré à la feuille, serré dans les mâchoires d’un étau, censé figurer le cerveau de l’auteur cité.
Par cet exercice insensé, l’artiste tente de s’approprier physiquement les tourments et la solitude de l’écrivain devant la feuille blanche, de matérialiser la mélancolie du créateur, d’en comprendre les mécanismes et de les transcrire en œuvres plastiques.


Formée à la création de décors de cinéma, Justine Gasquet, en sus de son activité professionnelle, dessine et réalise des vidéos plasticiennes.
Son film Invocation superpose l’image d’un nu féminin et celle des tentacules d’un poulpe. Des déformations kaléidoscopiques, jouant habilement sur les symétries et les dissymétries, fragmentent et multiplient les corps, les rendent élastiques et fluides, les muent en actiniaires ou en méduses, puis les restituent à leur forme originelle.
Au-delà de ses indéniables qualités plastiques, cette brève vidéo pose la question de la continuité paléontologique entre les animaux les plus primitifs et l’homme, supposé évolué.


Raphaële de Gastines n’a jamais regardé les films de série B. Pourtant, les personnages de ses tableaux les plus marquants ont les attitudes stéréotypées d’acteurs terrorisés qui veulent susciter un frisson d’épouvante ou affectent le comportement de paumés dans un univers qui les dépasse. On peut ainsi y voir un personnage saisi d’effroi, tenant à la main une lampe de bureau allumée, errant dans une forêt de carton-pâte, un autre en extase quasi mystique, emberlificoté dans les tuyaux d’un aspirateur domestique, un troisième manipulant un bidon de produit pour laver les vitres comme s’il s’agissait d’une arme de poing…
L’artiste nous dit et répète que la nature, belle par construction, peut aussi devenir hostile, à l’image de l’homme qui s’en est détaché au fil des siècles, au point de la détruire. À la fois cri de révolte et sommation sans frais, les peintures de Raphaële de Gastines sont, malgré de subtiles touches d’humour, de véritables gifles pour le spectateur.
Salvatrices baffes…


Depuis de nombreuses années, Didier Gianella pratique le collage numérique. Sa banque de données visuelles inclut des habituelles images de notre société de consommation mais aussi une multitude de personnages dans les attitudes les plus diverses.
Ses compositions minutieuses sont joyeusement iconoclastes, bousculant les conventions, chahutant les règles du bon sens et de la bienséance. S’érigeant en manifestes, elles véhiculent des slogans et des messages qui vont à contre-courant de la profusion des signes qui nous submergent au quotidien. Elles se font volontiers contestataires et revendicatives
L’univers poétique et ludique de Didier Gianella préfigure un au-delà de la modernité qui ne renie cependant pas celui des surréalistes, notamment de Delvaux, Ernst, Magritte et Trouille, ni le monde des peintres dits naïfs ou celui de l’illustration de fables pour les enfants.


Les peintures de Pierre-Yves Gianini s’inscrivent dans la longue tradition de l’art dit construit et, plus spécifiquement, de sa tendance cinétique, même si elles ne sont animées d’aucun mouvement. On peut aussi évoquer le luminocinétisme de François Morellet ou de Julio Le Parc, quand bien même ses tableaux, peints à l’huile, ne recourent à aucune source lumineuse.
La lumière, intense, vient de l’intérieur de la toile. Elle naît de la juxtaposition des formes et des couleurs dans un assemblage qui s’appuie sur la théorie physique des croisements de réfraction lumineuse. La dimension musicale n’en est pas absente. On pense à Survage et à ses Rythmes colorés, à Valensi et à sa peinture musicaliste, aux synesthésies qui inspirèrent Scriabine et Messiaen.


Dans la pratique artistique de Thierry Gilotte, le temps de réalisation est aussi celui de la performance et d’un rapport physique à un matériau. Il sculpte des formes dans le bois. La présence charnelle et vivante de cette matière lui permet d’interroger la nature des objets qu’il représente. Ce sont des objets mécaniques, techniques et universels. Des roues, des tubes, des chaînes, des habitats. Il accorde une grande importance au plaisir du geste de la taille directe, à l’absence de repentir et donc à l’irréversibilité de cette technique : sa construction retrace les nombreuses décisions et contradictions, et sa facture témoigne par empreinte de ses gestes. Le travail est sculptural et revendique des savoir-faire acquis spécifiquement pour chaque réalisation ; l’outil au service de la main, plutôt que le corps guidé par la machine, qui mériterait alors la paternité de l’œuvre.
Il s’agit aussi de rétablir un rythme humain dans la production pourtant très technique de ses sculptures : rythme du corps et des outils qui différencie leur travail d’un type de productions artistiques contemporaines qui sont déléguées, industrialisées. Attelé à une tâche contre-productive, il met en scène l’inutile dans une société obsédée par l’efficacité. Il y développe une invitation à remettre l’individu au premier plan dans un système à tendance globalisante, à affirmer l’être dans une société technicienne, à proposer grâce à l’art un certain mode d’existence qui diffère de la manière normée d’être au monde dans un contexte d’économie politique imposée.


Isabelle Girollet, photographe, a été formée à l’école de la publicité et de l’édition.
Elle s’intéresse aux paysages urbains ou industriels, dès lors qu’ils sont colorés. Ses cadrages rigoureux en extraient des détails qui, dans un implacable équilibre des lignes, des plans et des plages colorées, ont la qualité plastique de tableaux abstraits. L’appartenance de cette tranche de réalité magnifiée et transcendée à un ensemble plus prosaïque n’est ni perceptible ni identifiable.
Isabelle Girollet nous engage à voir autrement. Elle nous invite à une autre façon d’appréhender la ville, les usines et les chantiers. À trouver un peu de poésie et de source de satisfactions esthétiques dans un environnement qui en manque cruellement…


Charles Giulioli, ingénieur de formation, caresse, depuis plus de dix ans, le fantasme de réaliser une machine à peindre qui serait capable de produire des images nouvelles à partir d’un nombre minimal de contraintes et d’éléments fixés a priori.
Cette machine est matérialisée par un programme informatique, le logiciel L’œuvre sans fin, qui s’inspire de la façon dont l’artiste procède à l’atelier mais gomme toute trace de sensibilité individuelle en confiant certains choix subjectifs à l’ordinateur et à son générateur de nombres aléatoires. Le programme est alimenté avec des dessins à l’encre de Chine, préalablement numérisés et avec quelques principes de composition qui peuvent être définis ou modifiés par l’artiste-programmeur.
Charles Giulioli s’étonne du résultat : « la liberté, la contingence des images produites grâce au hasard donne à l’œuvre une légèreté singulière qui est peut-être celle de la vie même. Le but original de singer la peinture s’efface et les œuvres numériques prennent petit à petit leur autonomie. »


Christophe Gravis revendique la diversité et la multiplicité des approches, refusant de se laisser enfermer dans une des cases prédéfinies qui structurent le discours critique sur l’art.
Sa pratique artistique est polymorphe et, partant, difficilement cernable, réfutant d’emblée toute analyse critique. On peut, cependant, y discerner les influences de Klein, de Warhol, de Duchamp, de Beuys et de l’art brut, ainsi qu’une volonté d’élaborer un propos à plusieurs niveaux de lecture : social, poétique, culturel.
Pour le reste, mieux vaut laisser l’artiste s’exprimer : « Je suis souvent interpellé par les notions de contrastes, de diversité et de confrontation. Sans doute parce qu’elles reflètent notre monde. Alors j’utilise une multitude de signes dont l’assemblage tend à construire un langage […] à résonances multiples. Il pourrait s’accorder à la sensibilité de celui qui s’emploie à le décoder puis l’inviter à faire son propre cheminement. »


Célina Grimardia dessine. Ses compositions, précises et méticuleuses, font référence à la nature, une nature revue à travers le prisme du surréalisme, du rêve et des chimères qui peuplent les récits enfantins. Le souci presque maniaque du détail, de la maîtrise du trait, ne nuit jamais à la vision d’ensemble mais y contribue. La couleur, utilisée de façon parcimonieuse, apporte des touches de fantaisie, des béances lumineuses qui focalisent le regard.
Le spectateur oscille en permanence entre la contemplation de la fine acuité du trait et la prise de conscience de la construction générale du dessin : microcosme et macrocosme… Il est invité à un voyage étrange et lyrique, dont l’issue reste incertaine de prime abord. À lui de s’approprier les éléments de ce labyrinthe mouvant pour s’inventer une histoire en syntonie avec ses états d’âme de l’instant.


Guehria est militante féministe. Pour donner du poids à son propos, elle présente des femmes objets, des corps nus entrelacés dans des compositions librement inspirées des photomontages de Pierre Molinier. Ces corps, dont on ne sait s’ils font l’amour ou se battent, sont couverts d’inscriptions revendicatives, comme s’ils se faisaient porteurs de toute l’histoire de la cause féministe.
À ces icônes militantes, elle donne du volume en recourant à des techniques qui vont des plus anciennes aux plus récentes : stéréoscopie, anaglyphe, View-Master, écran 3D auto-stéréoscopique, vidéo interactive…
Au-delà de son propos politique, Guehria souligne l’importance de l’expérience sensorielle et corporelle dans le décryptage de l’information.


Marianne Guillou réalise des installations qui s’ancrent dans l’actualité et traitent des rapports entre la nature et la culture. Ses matériaux de prédilection sont la céramique et le dessin, ce qui n’exclut pas le recours à d’autres techniques, comme la pierre, le plâtre, l’argile, le bois, la photographie ou la vidéo.
Sa série intitulée garde-robe s’inspire du conte d’Andersen Les habits neufs de l’empereur, mettant en scène des habits quotidiens – chemise, manteau, tee-shirt… – comme autant d’enveloppes, de mues ou d’armures.
Passeport pour Slumberland figure un manteau-oiseau à double face, métaphore de la dualité entre notre vie diurne et nocturne. Sa face extérieure est un hommage à la nature : cuir, argile, feuilles de palmiers et d’eucalyptus sur un drap noir… Sa face intérieure présente des plumes et des coupures de journaux évoquant les faits divers du quotidien.


Diplômée en architecture à Buenos-Aires, Beatriz Guzman Catena est devenue plasticienne, mais ses compositions doivent beaucoup à sa formation initiale. Dans ses peintures, elle nous propose de grands espaces, solidement charpentés, mais rendus instables par l’intrusion de couleurs acidulées. Ils se présentent comme des scènes d’un théâtre où se joueraient des drames ou des comédies fortement ancrées dans le souvenir.
La question posée est celle de la construction de la réalité et de ses lectures ou interprétations multiples ou changeantes. Salutaire confusion…
De ces micro-narrations, l’artiste écrit : « Un enfant ancré dans son quotidien hallucine un autre espace. Ces symboles qui représentent la réalité viennent lui pourvoir en rêves d’ailleurs. Une autre réalité se dessine, et un voyage commence. Un long trajet où les choses léguées, ces importants contenants culturels, vont lier les souvenirs passés au présent pour calquer les uns sur l’autre. De cette manière les résonances lointaines seront déposées sur des nouveaux territoires, tels des pigments balayés, venant s’insinuer dans notre présent... »


Les photographies de H2N fixent des fragments d’objets banals, souvent considérés comme laids, découverts dans les rues aux quatre coins du monde. La mise en page de ces détails en exacerbe les couleurs. Le cadrage serré les mue en compositions plastiques, dans la descendance des toiles de Peter Klasen et de certains adeptes de la Figuration narrative.
Plus de notion d’échelle ni de perspective. Les motifs sont arrachés à leur contexte et à leur signification pour prendre une autre vie, un autre sens, souvent aux antipodes de l’intention initiale de leur créateur, à contrepied de leur usage. Le moche devient vecteur de délectation, le minuscule devient monumental, l’inintéressant objet de contemplation… En véritable démiurge, H2N se livre à une véritable opération de transsubstantiation du banal en icône…


Il règne dans la peinture de Laïna Hadengue, une atmosphère singulière où se mêlent onirisme, poésie, émotion et humour décalé. La mise en scène improbable est sous-tendue par une touche de surréalisme. Le regard des personnages, comme suspendu, observe alentour autant qu’il s’inverse pour interroger leur intériorité propre. Ils campent dans un décor où paysages, objets et faune, réunis de façon apparemment saugrenue, voire extravagante, posant à leur manière quelques grands thèmes philosophiques existentiels récurrents ou politiques plus contemporains où la Femme, s’offre dans toutes ses représentations : femme, mère, fille, idole…
Dans cette série des portraits insolites, grands formats travaillés exclusivement à l’huile et imprégnés de grands maîtres de la peinture, apparaissent, ici, une fillette ravie, qui voit sa destinée préprogrammée vaciller à la lecture inopinée d’un livre d’Anaïs Nin Le balai de la femme en rose. Là, un avatar contemporain de « Déesse Mère-Poule » se jouant nonchalamment de la fécondité Ah si vous connaissiez ma poule. Ailleurs, une femme âgée solitaire confrontée à l’absence, la part manquante, la mort L’impasse, l’autre reste ou encore, sur fond de décor urbain menacé d’immersion, l’autoportrait de l’artiste dénudée, telle Ève, faisant face à une jeune femme voilée, sondant ainsi le libre arbitre de la Femme, son lien avec le corps ami ou ennemi, sa destinée à travers différentes cultures La première de nous deux qui rira….
Inscrivant les situations dans un domaine proche du rêve ou de l’inconscient, traversée d’un humour singulier et insolite, cette nouvelle série de toiles incite le spectateur à devenir lui-même acteur et créateur, le renvoyant à ses propres projections et donnant toute sa mesure à la question du sens prêté à l’œuvre.


Frédérique Hervet, grande marcheuse et flâneuse devant l’Éternel, collectionne des clichés photographiques qu’elle saisit au fil de ses pérégrinations, telles des pages d’un journal de voyage. Elle en fait des tirages en recourant à des techniques artisanales désuètes, comme le cyanotype ou les gommes bichromatées. Ces procédés ont pour effet de métamorphoser les images en les distanciant et en y introduisant des aléas. Sur ces souvenirs devenus monochromes, elle intervient discrètement avec des touches d’encre ou de peinture.
Le travail de Frédérique Hervet questionne donc simultanément le rapport au temps et au lieu dans l’espace parcouru, et la mémoire, les souvenirs de ces lieux. Présentées en série, comme autant d’arrêts sur image, ces planches se muent en matériau narratif d’un périple définitivement affranchi des contraintes du temps et de l’espace.


Germain Huby est vidéaste.
Son intérêt principal est l’analyse de nos rapports à l’image animée, les discours, langages, gestes et pratiques qu’ils engendrent.
À cette fin, il collecte des matériaux existants à la télévision, sur Internet, au cinéma ou à la radio. Il en prélève des extraits, les détourne, les assemble et les recompose pour éclairer le caractère factice des relations entre un spectateur et le matériau télévisuel, soulignant, notamment, les manipulations qu’il subit.
Rosae venenosae est un collage, volontairement rendu neutre dans son traitement chromatique, des réactions de lauréates à divers concours de beauté.


Jacques Ibert construit ses images comme un romancier compose son ouvrage. Ses mots sont des images qu’il juxtapose et colle pour constituer un récit, plus rhizomique que linéaire. Elles plantent le décor mais incarnent aussi des personnages.
Jacques Ibert affectionne les compositions en plusieurs volets, qui rappellent la structure des retables de la Renaissance, plus particulièrement ceux de la tradition flamande, même lorsqu’il aborde des sujets très contemporains, comme un quai de station de métro. Ses mises en scène grouillent de personnages, à la manière de certaines peintures de Bruegel, mais peuvent aussi jouer sur des superpositions ou emprunter au monde du spectacle ou de la mode.
Dans tous les cas, ses œuvres se lisent et s’apprécient comme de modernes icônes, vouées à la célébration d’un culte plus profane que religieux.


Jean Isnard et Philippe Afantchawo développent des projets communs depuis quelques années. Tous deux sont, depuis longtemps, voués à la représentation de formes évocatrices des rotondités de nus ou des croupes de paysages.
Le premier associe, dans ses travaux récents, des bois rares et de l’Altuglas pour créer des pièces ondulantes qui évoquent les courbes de corps humains ou des panoramas abstractisés. Le second photographie ces reliefs, faisant écho à ses propres travaux photographiques sur le réel.
La mise en scène proposée, juxtapose des sculptures en bois et Altuglas et des photographies de détails de celles-ci. Elle proposera au spectateur un parcours initiatique de l’abstrait au concert, du corps à sa représentation, de la matière à la chair… Aller-retour...


Depuis 2003, François Jauvion porte un regard critique sur notre société, abordant des faits d’actualité qui ont un impact majeur sur nos vies. Son approche n’est pas austère, mais s’appuie sur un univers plastique ludique, coloré et ironique pour forcer le spectateur à s’interroger sur l’état du monde : environnement, extinction des espèces, réchauffement climatique, égoïsmes, irresponsabilité politique, génocides...
Pour mieux faire passer ses messages, l’artiste fait appel au retable polyptyque, outil conçu, à l’origine, dans un esprit didactique auprès de fidèles illettrés. En notre temps, même si l’analphabétisme a régressé, la plupart de nos contemporains semblent toujours aussi aveugles devant des faits essentiels. Les retables provocateurs et gentiment déjantés de François Jauvion tentent, en revenant à des recettes éprouvées, de remédier à cet illettrisme intellectuel.


Fabien Jouanneau peint des épiphanies, des manifestations. Dans ce projet un peu fou de figurer la transparence – étymologiquement ce qui paraît au-delà – il recourt à des voiles polyester, non pas pour leurs qualités intrinsèques mais pour leur capacité à occulter ou masquer, à brouiller ou révéler. Il les superpose, à distance l’un de l’autre, pour créer un entre-deux où tout semble pouvoir advenir.
Cet espace incertain, entre matérialité et évanescence, impose une certaine forme de lenteur, « celle qui nous construit, fait appel à notre mémoire, et tient à distance évidence et immédiateté » dit l’artiste. Voiler pour mieux révéler. Faire apparaître la disparition. Masquer tout en montrant… Voici quelques-uns des paradoxes de ces productions fascinantes.


Le travail de Claude Jouault s’apparente à ce que l’on a coutume de désigner art concret ou abstraction géométrique. Il repose cependant sur des règles mathématiques dérivées de la théorie des fractales, de leur mise en abîme par le principe d’autosimilarité intrinsèque infinie. Ceci veut dire que, quelle que soit l’échelle selon laquelle on les observe, les formes présentent toujours un modèle similaire à celui observé par la plus grande et la plus petite échelle. Démultipliées, elles génèrent une illusion d’infini et sont infiniment divisibles.
Pour ne pas tomber dans le reproche de froideur, de manque d’expression ou d’implication de l’artiste, souvent formulé à l’encontre de la peinture géométrique, Claude Jouault tempère la rigueur du processus générateur en variant les matériaux : bâche plastique, Plexiglas, néon, aluminium… Par exemple, une pièce de Plexiglas couverte d’empreintes géométriques est placée au-dessus d’une bâche de couleur qui forme l’arrière-plan. Un nouveau volume est créé par l’ombre des empreintes, projetée sur l’arrière-plan grâce à la présence de la lumière extérieure. Le recours au néon permet de jouer à la fois sur la diffusion de la lumière mais aussi de construire des jeux colorés apparemment simples.


Kahem est obnubilée par le personnage d’Alice de Lewis Carroll. Pour son installation à caractère fantastique, elle a imaginé que l’héroïne était devenue adulte, désormais entourée de nouveaux personnages.
Pendant un an, elle a photographié des modèles, confectionné des costumes, imaginé des décors, réalisé des objets et des accessoires, composé des pièces musicales… Le tout est mis en scène dans un parcours multimédia qui sollicite tous les sens du spectateur.
Le visiteur reste libre de construire une histoire autour des éléments qui lui sont proposés, mais la présentation est conçue pour faire de chaque élément exposé une preuve de l’existence réelle du personnage de fiction.
L’artiste déclare : « Ce sont des lectures qui m’ont entraînée sur les chemins de la création : Le livre de sable et Fictions de Borgès, tout particulièrement. J’en aime le fantastique : comme un grain de sable dans les rouages de la réalité. Les œuvres de Soto, Tinguely et Le Parc m’ont marquée par leur interactivité. Tout naturellement j’en suis venue à imaginer des mondes ambivalents, tout proches du quotidien avec l’envie de s’y promener. J’aime à penser que mes œuvres suscitent de l’émotion autant que la réflexion. »


Seon Kang Wolter est art-thérapeute de formation. D’origine coréenne, elle organise sa production artistique autour du shiru, ce récipient en céramique traditionnellement utilisé en Corée pour cultiver des pousses de soja ou pour confectionner des gâteaux de riz. D’aspect rudimentaire et primitif, il ne prétend à aucune qualité esthétique. L’artiste s’est pourtant identifiée à cet ustensile et l’a transfiguré en se penchant sur son rôle génésique, sur le processus de germination, qu’elle matérialise par une multitude de graines multicolores qui dardent leurs jeunes pousses depuis son couvercle.
Dans cette identification à un objet utilitaire, il y a clairement un transfert de type freudien ou jungien. On y décèle un rapport évident avec la naissance, la sexualité et la mort, mis en parallèle avec les différentes phases de réalisation d’une porcelaine : fragile et malléable avant la cuisson, incertaine dans le four, dure et cassant après le feu…


Les peintures de Kej sont métissées, en ce qu’elles mêlent le rythme et la couleur d’Afrique à l’intellectualisme européen. Proche de l’art brut dans la spontanéité de son expression, Kej décrit, sans complaisance, les rapports de domination et de soumission qui irriguent notre société. Son regard sur les petites humiliations au quotidien est décapant, incisif, mais toujours distancié pour éviter de sombrer dans un pathos larmoyant. Ses œuvres ont ainsi la froide objectivité d’un constat de médecin légiste. À l’opposé, ses couleurs, traitées en aplats, sont d’une rare liberté, puissante et sauvage, avec l’arbitraire que l’on retrouve dans les dessins d’enfants.
Nous sommes ici dans le registre d’un art populaire, résolument altruiste, à l’exact opposé des considérations futiles et égoïstes qui minent et discréditent le pan le plus médiatisé de la création contemporaine.


Christian Kervoalen pratique essentiellement la peinture à l’huile et le dessin.
Optant pour une approche traditionnelle de la peinture, il prépare lui-même ses supports et ses médiums. Sa peinture est toujours en lien avec la réalité : archive, croquis, souvenir d’une situation vécue… Sa série sur les intérieurs trouve sa source dans ses souvenirs de pensionnat. Les pièces sont désertées de toute présence humaine, ne laissant dialoguer que les espaces et la lumière. On ne perçoit donc que les indices d’une vie antérieure, la marque d’une absence. Toute liberté est laissée au spectateur d’y projeter sa propre expérience, de construire une histoire qui entre en résonance avec sa sensibilité.
Ses dessins, à l’encre de Chine, au pinceau, sur de grandes feuilles, sont inspirés par la végétation et les plans d’eau. Contrairement aux peintures, ces planches sont peuplées de personnages, le plus souvent en réserve, ce qui leur confère un aspect quelque peu fantomatique. La problématique abordée reste donc, avec des moyens différents, la même que dans ses tableaux.


Depuis 2013, Kilat développe deux thèmes principaux qui s’irriguent mutuellement : l’environnement et les faits sociétaux. Son engagement est hautement politisé, au sens primitif, non dévoyé, de ce terme, ce qui lui fait déclarer : « Il ne suffit pas de pratiquer un art aujourd’hui pour être un artiste contemporain, il faut vivre avec son temps, être l’écho de son époque. »
Il revendique donc sa liberté d’expression et s’attache à dénoncer la stupidité et l’irresponsabilité de nos contemporains qui mènent la société vers un inéluctable suicide. Pour ce faire, il choisit un langage simple, percutant et immédiatement lisible. Il peint, sur de grandes bâches en PVC blanches, des motifs qui évoquent les personnages fil-de-fer de Keith Haring, lesquels sont placés sur des fonds colorés animés par des motifs simplifiés.
Rien n’échappe à son acuité ravageuse : les naufrages de bateaux de migrants, les bombardements de civils innocents, les excès de l’art contemporain, la déshumanisation des rapports humains, l’extinction des espèces, la déforestation, la pollution, l’oppression des femmes…


Bénédicte Klène se définit comme chroni-croqueuse. Le papier et le dessin sont toujours au centre de son processus créatif.
La série Les Petits Riens est réalisée sur des carnets de croquis de voyage que l’artiste a longtemps tenus secrets. Le dessin y tient son double rôle de mémorial et d’intermédiaire. Mémorial en ce qu’il capte des instants définitivement révolus et permet d’en garder une trace potentiellement réactivable. Intermédiaire en ce qu’il sert de point de passage dans la constitution d’œuvres moins intimistes : peintures, performances ou, plus simplement, mise en scène des carnets de croquis…
Mouvement pendulaire incessant entre les dimensions publique et intime, en évitant l’écueil de l’exhibitionnisme… Métaphore limpide du rôle du créateur en tant que passeur de messages et/ou d’émotions.


Tout juste diplômée des Beaux-Arts de Toulouse, Rébecca Konforti a une double pratique de la peinture murale et de chevalet. Elle a récemment développé une série de grandes peintures sur la thématique des portes de tous genres : portes de maison, de sous-marins, de chaudière, d’équipements industriels ou domestiques, de véhicules…
Elle se présente en ces termes : « Mon esprit déambule dans le flux des images. Dans ce paysage fragmenté, je réagis à ce que je vois et à ce que je ressens. J’aime analyser, décortiquer et tisser des liens. Je tente de résoudre des énigmes picturales et de percer les mystères de l’image. Je m’amuse à détourner les codes et les habitudes de lecture. Je manipule les signes. Je joue avec les limites de l’espace réel ou mental. Je laisse traîner des indices et je crée des passages vers l’imaginaire. »


Igor Kubalek est né en Moravie où il a débuté ses études artistiques, avant de les terminer à l’École des Beaux-Arts de Paris. Peintre figuratif, il avoue avoir été influencé par Balthus, Georges Rouault, Otto Dix, Jan Zrzavý, Emil Nolde, Lucian Freud, Elizabeth Payton et Gerhard Richter.
Ses sujets de prédilection sont des groupes de personnages tirés d’albums de photographies de famille, traités dans des camaïeux de gris dans un style faussement naïf qui agrandit les têtes et aplatit la perspective, créant, malgré la distance dans le temps, un sentiment d’inquiétante étrangeté.
La couleur intervient dans des portraits, cadrés très serré, mettant en scène des familiers, dans des gestes ou des attitudes banales, que la composition rend insolites, presque anxiogènes.


Véronique Lafont est peintre. Sa pratique se rattache à une abstraction que l’on ne peut qualifier que de lyrique. Ses sujets, librement inspirés par la nature, sont chaleureux et joyeux, inondés de lumière et de couleurs chaudes. Des mauves, des roses, des verts tendres, des bleus apaisés et apaisants sont animés, structurés par des réseaux de lignes errantes, souvent blanches, dont les contours peuvent évoquer un crâne, une maison, un rocher…
En observant de plus près ses toiles, on découvre plusieurs strates d’images abstraites superposées, comme autant de réminiscences d’un rêve éveillé. Ces couches sédimentaires contribuent à créer la sensation d’une troisième dimension, d’une profondeur peu commune dans des compositions purement abstraites.


Tieri Lancereau-Monthubert travaille le bois, de grandes billes qu’il taille, creuse, évide, scie, fend, crante, rabote, pour en faire surgir des formes approximativement cylindriques ou coniques dans lesquelles la masse du bois est devenue enveloppe, peau, écorce d’un frêle corps vidé de sa substance. Pour le regardeur, ces sculptures évoquent des présences humaines démembrées et déformées. Il se passe autant de choses dans la béance intérieure qu’à l’extérieur de ces volumes devenus surfaces.
Les œuvres résultantes semblent jaillir du sol, mais, telles d’improbables végétaux, bien que solidement campées sur leur assise, elles suscitent un sentiment de précarité et de fragilité. Image de notre propre condition humaine…


Aurore Lanteri est récemment diplômée de l’École des Arts Décoratifs de Strasbourg.
Dans ses peintures et ses sculptures, toutes de grandes dimensions, elle recourt à la cire teintée, médium qui donne à ses œuvres une texture sensuelle et tactile. Les formes et les couleurs se dissolvent délicatement les unes dans les autres, ménageant de somptueuses transitions et des effacements qui troublent la perception de la profondeur et transforment ses compositions en modernes icônes.
De sa démarche, Aurore Lanteri écrit : « Je n’ai de cesse d’interroger l’humain, tentant de sonder l’insondable et de dire l’indicible, sans désespoir malgré l’échec imminent. Je m’interroge de son étrangeté et de ses contradictions, fouillant la question dans son regard, observant ses poses et ses grimaces, sa manière à la fois si attachante et si futile qu’il a de se débattre avec son existence. En somme sa manière d’être au monde. Cela semble vain, une énergie perdue, et pourtant, parfois, la fulgurance d’une perception, incompréhensible, un mystère tout à coup, s’illumine. »


Isabelle Leclercq est céramiste. Après avoir produit des objets de petites dimensions, destinés à la décoration domestique, elle a ressenti le besoin de sortir de ce carcan pour donner libre court à son inspiration dans des œuvres de plus grande taille.
Ses pièces mettent en avant l’écorce, l’enveloppe, la coquille, formes rassurantes et protectrices pour qui les habite mais moins sécurisantes pour l’observateur. Les formes rondes, sont à la fois cocon, chrysalide, matrice, ventre, torse creux, creuset ou nid…
Elles sont signes d’une fragile féminité, évoquant la genèse, la gestation, le cycle de la vie…
Cycle qui va de la terre vers l’inéluctable terre… On pense au sit tibi terra levis des inscriptions funéraires latines.


Clément Ledermann est photographe. Son domaine d’investigation de prédilection est la ville, la mégalopole, avec ses habitants, sa circulation, son brouhaha, ses contrastes, ses contradictions et ses paradoxes.
Pour son projet Jour après jour, il s’est plié à l’exercice de traiter, chaque jour pendant un an, un aspect du quotidien, un fait divers urbain. Le recours à l’anodin lui permet d’aborder, sans emphase, presque en catimini, des questions en résonance avec l’actualité sociale ou politique. Les titres et commentaires de ses photographies sont, d’ailleurs, prélevés dans les gros titres de la presse.
La banalité familière devient, sous son regard ironique et acéré, une chronique faisant écho à la rumeur de notre temps, à ses bouleversements latents, au feu qui couve…


Photographe, graveuse et créatrice d’installations, Caroline Leite puise son inspiration dans les petites choses de la vie quotidienne.
Chaque jour, lors de ses déplacements, à pied ou en bus, son objectif fixe un regard en mouvement, laissant toute sa place au hasard et à ses aléas qui révèlent des aspects inattendus de lieux pourtant connus.
Dans le calme de son atelier, elle sélectionne certaines de ces images et en réalise des tirages, en noir et blanc, sur des blocs de béton, reconstruisant ainsi, a posteriori, des tranches d’histoires urbaines qui croisent l’expérience personnelle de l’artiste, son imagination fertile mais aussi celle du spectateur-voyeur-regardeur.
Caroline Leite se comporte comme une archéologue du cadre de vie citadin quotidien mais aussi comme une observatrice impuissante de la fuite du temps. Dans une série particulièrement saisissante, elle réalise de précieux tirages de petites dimensions, qu’elle scelle entre deux plaques de verre serties par une bande de plomb… Tentative désespérée de fixer définitivement l’insaisissable ? Sarcophages ou cercueils plombés de petites nostalgies fugaces ?


Fabrice Leroux est photographe, vidéaste, comédien et metteur en scène. Il résume son credo en ces termes : « J’ai vu des failles, des fragilités, des peurs, des ouvertures, des forces, l’Humain tout en contradiction, sublime et exaspérant, révélateurs, du négatif au développement, de l’ombre à la lumière, agrandissement du champ des possibles. »
Sa vidéo Ashes to ashes convoque de toutes ces techniques… plus la chorégraphie… Dans un déploiement de sensualité tactile et visuelle, Fabrice Leroux y aborde très poétiquement la dure question de la mort : cendres, nous redeviendrons cendres…


Kathy Le Vavasseur a plusieurs cordes à son arc, mais c’est dans ses céramiques qu’elle donne le meilleur de sa créativité et de son sens plastique inné. Elle réalise souvent des installations par accumulation de pièces, petites ou grandes, dans un registre de couleurs sobre, tout juste rehaussé par quelques touches de tonalités plus vives.
Dans Circumstellar X-Ray l’artiste convoque photographie, radiographie, céramique, verre et métal pour nous révéler un univers en giration. Dans un processus de transmutation de la matière, l’immatériel devient charpente de ses structures. Les images radiographiques, planes, se muent en volumes, recréant l’ossature du sujet anonyme qui a servi de modèle, probablement à son corps défendant. A contrario, les matières deviennent plans incorporels, traversés par des ondes invisible…
Cette confusion des genres finit par dévoiler l’intime celui de l’artiste mais, surtout, celui du spectateur, confronté à une forme de rapt, de tentative de transplantation de son univers intérieur en objets tangibles.


Isabelle Levéel domestique la terre crue pour créer des êtres crépusculaires voués aux mondes souterrains. Probablement prédateurs, croisements improbables d’hommes et de reptiles, ils gardent, sur leur peau craquelée, des traces de végétation, de griffes, de plumes, d’écailles ou de roches volcaniques, vestiges d’une probable lutte sans merci pour leur propre survie.
Ces tristes Nibelungen aux regards interrogateurs suscitent de l’empathie. On devine, sous leur carapace rugueuse, des êtres sensibles, en éveil permanent, pleins d’une énergie réfrénée, insuffisante, cependant, pour les faire échapper à leur condition, les faire s’élever pour prendre place au rang de l’humanité…
La métaphore est limpide.


Dans son travail, Bryan Ley nous livre son interprétation du monde sous forme d’images.
Sa peinture, principalement réduite au noir et blanc et à leurs contrastes, repose essentiellement sur des modèles issus de contextes les plus variés. Il s’inspire de la publicité, de photographies trouvées sur Internet, du cinéma… Ses tableaux s’inscrivent ainsi dans la longue histoire des relations complexes entre peinture et photographie.
Son propos n’est ni du ressort de l’hyperréalisme ni de la prouesse technique. Il ne copie jamais servilement un cliché. Dans sa démarche, il anéantit l’image initiale, la supprime, l’altère, la réduit, la transforme, se l’approprie, puis en restitue sa propre version, cherchant inlassablement de nouveaux modes de traduction, de restitution.


Didier Luciak est photographe et graphiste. Son terrain d’expérimentation est la ville ou ses périphéries avec leurs imposantes usines. Ses sujets de prédilection sont les chantiers de construction ou de démolition, les bâtiments industriels, les paysages urbains abandonnés…
Influencé par la peinture hyperréaliste américaine, par la bande dessinée et par les romans de science-fiction, il tente de faire sourdre une poésie latente de ces installations auxquelles on n’attribue habituellement pas de qualités esthétiques.
Ses images, proches de l’illustration, entretiennent l’ambiguïté sur la nature de ce qui nous est donné à voir : vestiges d’un passé industriel révolu ou prototypes d’installations pour un avenir lointain ? Machines à rêves, en tout cas…


Serge Maestracci se définit comme artiste contemporain nostalgique. Sa série Old Rock Covers Paintings reproduit des pochettes de disques 33 tours enregistrés par des stars de la musique rock des années 1950 à 1980, mais qui ont subi les affronts du temps.
L’artiste s’exprime : « Si j’avais aujourd’hui, en 2015, l’opportunité de peindre les portraits de Mick Jagger, Keith Richards, Iggy Pop, Paul McCartney ou de n’importe quelle autre rock star […], sans aucun doute, je reproduirais les rides, marques et autres stigmates qui creusent aujourd’hui leurs visages. Car si la vieillesse est un naufrage, comme disait De Gaulle, pour l’expression de la peinture c’est une aubaine ! Difficile de demander à l’une de ces célébrités de poser pour moi, illustre inconnu ! Alors, l’idée m’est venue d’interpréter les portraits des pochettes de leurs disques sur lesquelles le temps a aussi fait son œuvre. »
Serge Maestracci nous propose ainsi une vision positive des ravages du temps, donnant une seconde vie à ces icônes que quelques rides ne dépareillent pas trop…


La peinture construite d’Oscar Malessène traite de rythme et d’espace.
Ses compositions aux couleurs tranchées, en aplats, se développent en séries dans lesquelles chaque tableau propose une réponse plastique à la question du rapport de la ligne au plan et à l’espace. Les écrits théoriques de Kandinsky, notamment Point Ligne Plan, semblent avoir inspiré sa démarche, mais il en tire des conclusions plus radicales que celles du maître du Bauhaus.
Les surfaces colorées sont, chez lui, des éléments de base d’un alphabet formel qu’il ordonne et assemble dans des constructions portant chacune leur logique mais qui constituent, d’une toile à l’autre, un immense exercice de variations sur un schéma génésique prédéfini, lequel ne s’éteint que quand toutes les combinaisons plastiquement viables ont été épuisées.


Malo, photographe, se met corps et âme au service de la narration d’une histoire. Ses thèmes de prédilection sont la vie, la famille, les travers de la société, qu’il traite à travers des séries, un peu à la façon dont les graveurs illustraient les journaux et les livres avant l’invention de la... photographie. On peut penser, notamment, à Hogarth et à sa série The Rake’s Progress.
La série La Vie ordinaire d’un homme invisible reprend le héros du roman de H. G. Wells et sa transposition dans la série télévisée britannique datant de 1959. Il l’accompagne, tel un photojournaliste de la presse people, dans sa vie quotidienne, bien rangée, dans un cottage anglais de la fin des années 1950.
Dans cette série, comme dans les autres, au-delà d’une perfection technique qui force l’admiration, Malo flatte nos instincts voyeuristes en nous incitant à nous substituer mentalement à l’un ou l’autre des personnages de ses histoires.


José Man Lius, originaire des Antilles, est vidéaste, performeur, photographe et plasticien. Son propos est souvent associé au processus de construction d’une identité, tentant de réconcilier globalisation et attachement à ses racines culturelles.
Dans ses vidéos, il nous montre un espace déstructuré où les images se délitent et se reconstruisent dans un rythme effréné. Entre kaléidoscope et puzzle en perpétuel mouvement, ses images provoquent un vertige qui questionne les rapports qu’entretiennent l’art, les technologies numériques, la nature, les acquis culturels et les forces telluriques qui guident ou altèrent nos perceptions.


Les compositions d’Edgar Manuel Marcos évoquent une identité en quête de son affirmation. Les personnages sont sans visage, portent des masques impassibles ou se dédoublent de façon imparfaite. Tous ont perdu une partie de leur corps dans un exercice qui relève de la déconstruction suivie d’une reconstruction inachevée, imparfaite, comme suspendue. Ses personnages ne semblent pas souffrir de cet état instable, proche du vacillement. Ils sont fragmentés mais non torturés, la douceur des couleurs interdisant d’ailleurs toute évocation de peine ou de douleur.
Ce que l’artiste veut nous dire, c’est que nous vivons dans un monde en éternelle suspension, transitoire, éphémère, illisible, rempli de doutes, au devenir incertain, près de basculer à tout moment du côté du meilleur ou du pire.


Natacha Mercurio-Jeudy est tout juste diplômée des Beaux-Arts de Nantes. Elle pratique le dessin et la photographie.
Dans ses dessins à la mine de plomb, les formes restent dans un statut indéfini, suspendues dans un univers surréalisant, entre organique et minéral, entre végétal et chairs… On peut aussi y voir des amas stellaires en formation ou des nuages aux aspects changeants. Les feuilles sont scindées verticalement par une barre blanche en forme de césure qui crée une intrigante ellipse formelle et contribue à maintenir l’ensemble dans un état de déséquilibre existentiel.
Son intérêt pour l’astrophysique et l’exploration spatiale est encore plus évident dans ses photographies. Ses petits clichés, en noir et blanc, de fonds de pots de peinture sont présentés comme des images de planètes fixées par un puissant télescope. Elle crée ainsi un univers où microcosme et macrocosme se rejoignent dans un espace où réalité et fiction permutent leurs rôles respectifs.


Thibault Messac est un peintre tératologue. Il s’intéresse aux déformations, aux altérations qui engendrent ces monstres plus ou moins familiers, générateurs d’un sentiment d’attraction-répulsion, de cette inquiétante étrangeté qui habite toutes ses compositions.
Son travail s’appuie sur une observation quasi scientifique de l’anatomie des corps qu’il se propose de manipuler. Il essaie d’en comprendre la structure, les articulations, les modes de croissance, avant de leur appliquer un processus de déformation et/ou de multiplication. Les monstres résultants semblent ainsi plausibles à défaut d’être possibles.
L’informe, chez Thibault Messac, n’est pas accidentel. Il répond aux lois d’une biologie aux principes de base, certes farfelus, mais cohérents. Sa démarche s’apparente à celle de certains surréalistes – on pense notamment aux structures molles de Dalí– mais avec un systématisme scientifique presque forcené que Breton et ses amis auraient certainement condamné.


Mona Luison réalise des sculptures-vêtements en appliquant des techniques artisanales à des matériaux issus de notre environnement quotidien : peluches, vêtements usagés, capsules de café, bouteilles d’eau, boîtes de conserve... Elle les découpe, les tisse, les coud… pour créer des sur-peaux qui nous racontent des histoires, celle de l’artiste, la nôtre ou celles des autres… L’hétéroclicité des composantes est une métaphore de celle de notre monde, envahi d’objets, de signes et de sens, que personne ne peut se vanter de capter – et encore moins de comprendre – dans leur intégralité.
Dans ses sculptures à porter de la série Topicality, Mona Luison associe notre anatomie aux catastrophes naturelles, aux conflits et aux guerres, à ces flux d’information qui nous assaillent, sans qu’il soit possible de statuer sur leur véracité ou sur leur pertinence. Elle nous propose une issue de secours, une façon de nous évader, en regardant de nouveau le monde avec des yeux d’enfants.


Artiste plasticienne inspirée par le végétal et la terre, Pascale Morin explore aujourd’hui la céramique et plus particulièrement la porcelaine, un matériau qu’elle a choisi pour sa simplicité, sa malléabilité et son potentiel d’exprimer la poésie de la matière et de la nature.
Ses créations sont d’une extrême finesse, à la fois très réalistes et pleines de poésie et d’inventions formelles. Elle en bannit la couleur. Les objets qu’elle nous propose restent d’un blanc très pur, contrebalançant, dans une volonté de distanciation, l’extrême précision des formes. Elles deviennent des fantômes immatériels qui ne conserveraient que la quintessence plastique des végétaux, réels ou improbables, qui leur ont donné naissance.


Jean-Claude Pardou alias Nunki Bartt est peintre. Il déclare : « Mon travail (dans le sens de ce qui me travaille) ne parle au fond que de mes origines, de ma propre construction au sein d’une famille qui m’a été dévolue sans que je n’aie pu rien savoir d’elle. Ma peinture nécessite un acharnement à des fins de reconstitution. Mais au fond, je ne désire pas parler, pas de moi, car de quoi s’agirait-il, sinon de mettre au jour ma propre médiocrité et de décrire par le menu ce qui s’est produit et ce qui continuera de se produire pour des générations entières et ceci éternellement. »
Ses peintures montrent des êtres hybrides, inquiétants ou bienveillants, traités dans des couleurs pimpantes sur des fonds à la texture sensuelle. Les notions d’échelle, de profondeur et de perspective sont subverties au profit de la seule narration d’une histoire dont seuls les linéaments sont proposés. Au spectateur de les animer en écho à sa propre expérience de la vie…


Les photographies de Pinko présentent des fragments de réalité abstractisés par le choix du cadrage. Toute notion d’échelle en est bannie. Quelques pistes, trompeuses, sont cependant suggérées, mais pour mieux perdre le spectateur. Il ne s’agit donc que d’un exercice d’exaltation de la forme et des couleurs, dégagé de toute considération subjective ou nostalgique.
Ces travaux s’inscrivent pourtant dans l’histoire de la photographie et, plus généralement, dans celle de la représentation plastique, notamment en ce qu’ils tendent à une intemporalité (ou, du moins, à une dilatation du temps) et à une indéfinition spatiale qui laissent, in fine, le spectateur décider de l’interprétation à donner aux images qui lui sont présentées.
Dans un hic et nunc sans cesse renouvelé, les photographies de Pinko célèbrent l’instant présent et des beautés cachées là où on les soupçonne le moins.


Rémi Planche est un très jeune artiste autodidacte. Il utilise une technique mixte à base d’encres, de peintures acryliques et de peintures à l’huile, appliquées quasi exclusivement avec les mains sur la toile, violemment griffée par endroit.
Ses portraits masculins, cadrés très serré, montrent des visages aux traits durs, marqués par les ans ou l’effort, burinés, barbus, figés dans un hiératisme solennel qui témoigne simultanément du poids des années et de la force des certitudes accumulées par l’expérience de la vie.
À l’opposé, ses nus sont sans visage, prostrés ou recroquevillés, en position d’attente, comme pour exalter la puissance de ces corps anonymes dont les mains aux poings fermés témoignent de la volonté de vivre et de se battre…


Williams Raynaud est un artiste autodidacte qui a longtemps fréquenté les ateliers de confection. Peignant depuis son enfance, il découvre, en 1997, la technique de l’aérographie. Son style évolue alors vers une forme d’hyperréalisme et de photoréalisme à l’acrylique. Il pratique aussi le body-painting.
Ses compositions, très personnelles, mettent en scène, dans une technique perfectionniste, des icônes de la vie contemporaine du type de celles peintes par les artistes pop américains. Sa préoccupation pour un réalisme presque photographique incite cependant le spectateur à dépasser ce qu’il perçoit pour questionner la vanité de toute pratique de représentation figurative et le statut de l’image dans notre monde contemporain.


Après une formation artistique, Emmanuel Rémia abandonne toute pratique plastique pour se consacrer, dès 1994, à la gestion de l’entreprise de menuiserie-ébénisterie familiale. Il n’y reviendra qu’en 2008, après la cessation d’activité de la société. Il juge cette expérience du milieu ouvrier déterminante pour son activité créatrice, en ce qu’elle l’a ouvert à la dimension sociale et humaine de l’activité artistique. C’est ainsi que le visage est devenu central dans son œuvre.
Assez rapidement, il crée le concept de diptyque intriqué. La moitié de l’œuvre est réalisée avec une technique classique de peinture réaliste à l’huile puis photographiée en inversant les couleurs et tirée sur aluminium. Les deux parties sont alors juxtaposées pour former les deux volets d’un moderne retable.
Dans ce processus, le tableau devient photographie, puis redevient tableau. Cet incessant va-et-vient, s’appuyant sur la coexistence de couleurs rigoureusement complémentaires, élargit le champ de l’expression picturale, tout en assurant une continuité historique depuis la Renaissance jusqu’aux grands mouvements du début du siècle dernier.


Angèle Riguidel collecte, stocke, démonte, recycle, détourne et assemble les objets les plus divers pour leur donner une seconde vie, une dernière chance…
Chaque pièce est analysée pour lui trouver la meilleure remise en valeur possible, seule ou en combinaison avec d’autres. L’artiste les traite comme les éléments d’un puzzle dont l’image finale fluctue au fil des trouvailles et des associations d’idées et de formes. Des lumières peuvent y être intégrées pour leur (re)donner une âme et les faire entrer dans le domaine de l’insolite et de la magie. Ainsi recyclés, ces rebuts condamnés à l’oubli racontent une autre histoire, sans rapport avec leur vocation originelle.
Sa caravane Gam’in rassemble un certain nombre de ces objets récupérés et remontés. C’est un univers étrange où des poupons lumineux côtoient des peluches, des jeux de société et des consoles désuètes pour créer un espace simultanément accueillant et intrigant, un lieu où jeunes et moins jeunes peuvent retomber en enfance en toute liberté…


Anne-Christine Roda est peintre.
Elle se consacre exclusivement aux portraits, tous saisis sur un fond d’un noir intense. Ses esquisses sont des clichés photographiques qui servent à la mise en place et à la structuration de l’espace. Elle les transcrit sur la toile, en utilisant la technique ancienne des minces couches picturales superposées, des glacis et des retouches. Elle concentre son application sur le visage, les vêtements et les mains étant traités de façon plus sommaire.
Le fond noir, la présence du sujet et le réalisme quasi photographique de son visage forcent le spectateur à plonger dans l’altérité du personnage figuré, en un face-à-face presque spéculaire, où, dans un mystérieux effet de transfert, le spectateur devient autre.


Longtemps musicien et peintre, Jean-Michel Rolland réunit ses deux passions – le son et l’image – dans la pratique de l’art numérique, débutée en 2010, en association avec Fran Lejeune sous le label Fran & Jim. Dans leurs vidéos expérimentales, le son et l’image sont indissociables, s’alimentant mutuellement l’un l’autre.
La vidéo Typo est conçue comme la création progressive d’un contrepoint sonore par superpositions successives d’un motif mécaniste initial, celui du bruit de la machine dans l’atelier de typographie. L’image se divise au fil de l’entrée de chacune des voix du canon, donnant une illustration visuelle de ce que pourrait être la partition de cette pièce pour machine solo et électronique.


Écossais ayant longtemps vécu en Zambie, fixé en France depuis des années, Dale Joseph Rowe peint, sculpte, photographie, crée des céramiques.
Ses Portraits de famille sont des tableaux réalisés à partir d’anciennes photographies de famille, prises en Afrique ou en Écosse. Peintes sur des caissons en aluminium carrés, ces œuvres se comportent comme des icônes lisses, dans une technique similaire à celle de certains peintres de la Figuration narrative. Leurs couleurs sont lumineuses, souvent arbitraires, avec de larges plages où le métal réfléchissant est laissé en réserve. Des fragments de textes, illisibles, font parfois leur apparition en surcharge.
Dans cette série, Dale Joseph Rowe nous propose la relecture d’un passé idéalisé, distanciée, où les histoires et les conflits ont perdu toute acuité, toute pertinence, pour ne laisser que des reflets détachés de leur contexte historique.


Le travail de Guillemette Schlumberger s’articule autour du thème de l’enfance et de l’adolescence, avec une forte connotation autobiographique, mais en cherchant à en extraire la dimension universelle.
« Ma peinture me permet d’imaginer un monde à part, lieu de toutes mémoires réunies, individuelles et collectives. L’imaginaire, mêlé à la mémoire, me permet de réinventer le temps, en me réappropriant des souvenirs enfouis de l’enfance, pour en faire un présent permanent par l’alchimie des pigments et de la matière picturale. » écrit-elle.
Ses aquarelles, fluides, spontanées et délicatement colorées, évoquent un miroir où flottent des images, fantômes de la psyché, cette personnification du principe de la vie, de l’âme, selon Aristote. Elles ont aussi cet aspect suspendu, inabouti, qui ouvre des espaces de liberté pour l’interprétation, pour la résurgence d’images mémorielles et pour le voyage mental.


Florian Schönerstedt s’est formé en autodidacte au métier de l’infographie puis au montage et à la post-production audiovisuelle. Son activité plastique est partagée entre la vidéo, la photographie et les installations.
Sa vidéo Promenade nocturne s’inscrit dans la continuité d’une série de photographies intitulée Promenade fixant la Promenade des Anglais à Nice. Le film a été pris en hauteur, depuis une chambre de l’hôtel Méridien surplombant le littoral. Un cortège de chaises de plage, flottant dans les airs, vient troubler le sérieux apparent de ces vues, leur apportant une touche onirique, humoristique et quelque peu décalée.


Formée à la création de décors de cinéma, Juliette Schwartz peint des paysages et des intérieurs. Ses tableaux traduisent une vision cinématographique de l’espace. Il y est question, notamment de hors-champ, de cadre dans le cadre, de décor dans le miroir… Ses peintures requièrent la présence d’un spectateur, hors champ, entièrement intégré à la conception de l’œuvre. Sa peinture se situe ainsi dans un espace qui n’est ni celui de la scène ni celui du regardeur.
Juliette Schwartz nous révèle aussi l’envers du décor en rendant visibles les échafaudages de sa composition, en n’effaçant pas les traits de construction, en laissant des plages de la toile en réserve, en géométrisant les formes, en théâtralisant le recours à la lumière…
La dimension narrative est rendue non pas par les objets représentés, mais en rendant perméables les notions d’intérieur et d’extérieur, dans une vision dynamique qui force l’observateur à considérer tous les points de vue possibles… Tout en se sachant lui-même observé…


Maïlys Seydoux-Dumas peint des fragments d’autoportraits reflétés dans des miroirs, entiers ou brisés. Sujet unique du tableau, elle n’en occupe cependant pas le centre. Les images éclatées sont réparties sur la toile, laissant une large place à des fonds, somptueusement sensuels, où peuvent apparaître, comme dans un geste de pudeur, quelques accessoires secondaires destinés à détourner l’attention.
L’artiste nous parle évidemment de présence, mais cette présence est fragile, immatérielle et distanciée, comme dans un rêve éveillé. Le temps semble suspendu, ambigu, comme dans certaines œuvres intimistes de Vuillard. On devine une sourde menace, l’imminence d’un drame inavouable, mais rien ne permet d’en déceler le moindre indice. On pense aussi à cette vacuité prégnante qui baigne les meilleures toiles de Hopper, revue à travers la touche sensuelle d’un Bonnard.


Ghislave Sosnowski a étudié à l’Académie des Beaux-Arts de Wrocław. Il est peintre, cinéaste, photographe, artiste multimédia… Dans ses derniers travaux, il recourt aux techniques numériques pour développer un imaginaire fondé sur des jeux de représentation qui engagent le spectateur dans une réflexion sur son environnement.
Il part de matériaux banals, sans qualités artistiques, pour dégager l’œuvre de son mystère, de son aura – au sens benjaminien de ce terme –, et l’inscrire pleinement dans notre quotidienneté. Il multiplie la même image pour en saturer l’espace, incitant ainsi le spectateur à concevoir des univers artificiels qui se reproduisent selon des règles naturelles.
Dans ces confrontations, les rôles du créateur et du regardeur s’inversent autour du pivot incontournable qu’est l’œuvre, aussi banale soit-elle…


Lionel Stocard est obsédé par le téléphone mais, récusant l’évolution incessante de la technologie, il ne s’intéresse qu’à des téléphones importables
Il s’exprime en ces termes : « Ces machines à communiquer, véritable pied de nez à la téléphonie mobile, peintes ou sculptées, lourdes, encombrantes et peu pratiques fonctionnent réellement. Les importables sont des objets rares dans un monde envahi par la technologie. Du téléphone fixe ils gardent l’électronique, pour le reste, ils nous invitent à rejoindre l’imaginaire qui nous aide à anticiper et à réfléchir en dehors du prêt-à-penser. »
Ses pièces sont pleines de fantaisie, drôles ou cruelles, cinglantes dans la critique de notre société, mais toujours réalisées avec une maîtrise technique qui en fait aussi des objets de pure délectation visuelle.


Dans ses installations ludiques et joyeuses, Mélissa Streicher se livre à un exercice de mise en abyme de l’autoportrait, convoquant, à cette fin, peinture, photographie, vidéo et performance.
Transposant dans notre monde contemporain une pratique immortalisée dans Les époux Arnolfini de van Eyck ou Les Ménines de Velázquez, Mélissa Streicher prolonge ses peintures hors de leur cadre en se mettant elle-même en scène.
Elle photographie cette performance puis, dans un second temps, revenant à une technique plus ancienne, elle créé une animation statique à base de photogrammes de ses performances.
Ce fascinant exercice, tout empreint d’humour et de poésie, se pose comme une affirmation identitaire en réaction à un monde qui normalise, uniformise et réprime toute velléité d’affirmation d’une originalité.


Christophe Syren peint des taches, le passage furtif de fluides dans un espace indéterminé. Le vide de l’espace environnant abolit tout repère, toute notion d’échelle. S’agit-il de galaxies en évolution, d’une préparation sur la lamelle d’un microscope ou de simples sujets de délectation visuelle ? Toutes les hypothèses sont ouvertes. Toutes sont licites. Au spectateur de faire un choix, un choix en rien définitif et qui n’engage que lui…
L’artiste s’exprime : « Je cherche à traduire un état suspendu, liquide, plusieurs moments juxtaposés d’un corps immergé, l’importance de l’instant, l’obsession d’une forme figée dans le vide. Une cellule sous microscope. »


Marie Talalaeff travaille le papier mâché de façon artisanale.
Son installation Carré d’agneaux interpelle le visiteur sur son rapport cruel mais vital à l’animal.
Elle se compose de seize têtes de moutons blancs, ayant toutes une bague d’abattoir à l’oreille, formant un carré parfait. Le spectateur, cerné par les regards muets des trophées présentés à hauteur d’homme, est mis en face de ses contradictions : un animal doux et gentil, condamné à être mangé après être passé par l’équarrissoir et la boucherie.
Chacune des têtes semble émerger du mur blanc. Elles sont toutes uniques, mettant en avant différentes manières de traiter le papier mâché pour évoquer, par exemple, la laine épaisse ou la bête tondue…


La peinture de Michel Temim s’appuie sur un long et consciencieux apprentissage du dessin qui lui confère un aspect réaliste proche de l’esprit de la neue Sachlichkeit allemande. On peut aussi penser, du côté français, aux toiles d’un Clovis Trouille.
Dans un décor bien campé, dont les détails sont minutieusement rendus, se déroulent, comme des fables ou des contes inédits, des scènes de la vie urbaine, probablement banales, mais que le réalisme sourcilleux de l’artiste imprègne d’une étrangeté ambiguë. En les analysant bien, on y décèle une condamnation froide sans appel de l’absurdité, de la cruauté et de la solitude des relations humaines.
La construction de la composition, avec sa perspective conique, déforme les sujets et place le spectateur en position d’observateur – et, partant, de témoin – unique ce qui se trame silencieusement.


Daniel Tostivint est engagé dans un long processus de simplification, d’épuration des formes. Ses premières compositions géométriques, en 1969, étaient exclusivement construites à partir de cercles et de courbes colorés. Petit à petit, les droites ont remplacé les courbes. Les carrés et les rectangles se sont substitués aux cercles. La couleur est devenue brillante, appliquée en aplats.
Plus récemment, il a commencé à donner du relief à ses œuvres, de l’épaisseur à ses constructions géométriques, en collant sur leur surface de petits parallélépipèdes colorés dont les ombres portées génèrent des formes virtuelles et les couleurs créent de fascinantes interférences avec celle du fond.


Dans ses dessins, Nina Urlichs, artiste allemande formée aux métiers de la mode, travaille principalement avec l’ombre, le clair-obscur et la transparence. Elle utilise le verre, le Plexiglas, les tissus transparents, le papier calque… qu’elle superpose. Ce dispositif optique abolit la profondeur naturelle pour en créer une autre, qui suggère le mouvement. Un mouvement vers l’avant, vers l’extérieur, comme pour libérer les lignes des strates translucides qui les retiennent. Son trait économe et sûr, évoque une calligraphie se déployant sur une surface vide.
Sa thématique de prédilection est celle du souvenir de corps, de leur dissolution dans l’espace, flottant dans un entre-deux difficilement identifiable de prime abord. Apparition et disparition structurent la perception de ces œuvres qui, mouvantes et fuyantes, refusent toujours de se faire saisir. Image d’un temps cyclique plus psychologique que physique…


La peinture de Florence Vasseur figure des espaces naturels dans lesquels des humains semblent chercher leur rôle et leur place. Il en résulte une forme de dramaturgie pour une pièce dont le scénario reste à écrire.
Ici, deux personnages effarés découvrent une tête de cheval coupée dans une valise ouverte à leurs pieds. Là, deux hommes âgés prennent un bain dans une mare installée dans un cratère volcanique. Ailleurs, trois individus en réconfortent un quatrième, probablement sauvé de la noyade par un chien qui attend sa récompense…
On ne peut s’empêcher de penser aux tableaux mythologiques ou religieux de Poussin… Si ce n’est que, chez Florence Vasseur, le spectateur doit créer l’histoire, inventer le mythe.


Après avoir commencé sa vie professionnelle comme technicien caméra, Guillaume Vatan est devenu cadreur et chef opérateur pour des tournages de séries TV, des documentaires et des reportages. C’est au fil de rencontres artistiques qu’il s’est décidé à créer ses propres films pour apporter son point de vue personnel sur le monde.
Sa vidéo On n’aura jamais peur est un exutoire à la peur qui l’a envahi suite aux événements tragiques de janvier 2015. Condensant, en un peu plus de trois minutes, le suspens d’un film policier, la curiosité d’un documentaire sur le hip-hop et la poésie d’un épisode surréaliste avec la collaboration du light-painter Jadikan et des arbres colorés de l’artiste peintre Romain Froquet, ce film aux multiples facettes agit comme un puissant remède contre les angoisses existentielles.


Jean-François Veillard s’est consciencieusement appliqué à désapprendre ce que ses enseignants lui avaient transmis aux Beaux-Arts d’Orléans et de Paris.
Expressionniste dans l’âme, il ne veut pas qu’une technique trop maîtrisée occulte son geste ou son intention. Ce qui l’intéresse avant tout, c’est l’Homme et ses travers, la chair bien présente. Ses mises en scène tragico-comiques relèvent de la commedia dell’arte, avec ses masques et son univers où certaines formes de déviance sont tolérées.
L’esprit surréaliste ne lui est pas étranger. Ses compositions mêlent des images appartenant à des univers normalement disjoints, entretiennent l’anachronisme et les hiatus visuels, cultivent un joyeux délire, une folie qui trouve ses racines dans des contes et des légendes populaires. Plusieurs niveaux de récit s’entrechoquent, faisant fi du bon sens et de la structure narrative conventionnelle.


Les peintures de la série Les Secrets d’Élisabeth von Wrede recèlent effectivement un secret.
Sur chacune de ces grandes toiles carrées, un message a été inscrit, avant d’être recouvert par un savant tuilage d’écailles colorées où le blanc est structurant, maçonnant le chatoiement des couleurs sous-jacentes.
Le rythme général de l’œuvre s’apparente à celui d’une partition musicale, avec ses lectures verticales et horizontales, ses registres et ses barres de mesure, ses syncopes et ses altérations. Il tient aussi du grimoire où des strates de messages successifs se sont superposées, chacune modifiant la précédente au point d’en occulter le sens initial. On peut aussi l’assimiler à un processus mémoriel, dans lequel des images mentales récentes se superposent à d’autres, les occultent ou les transforment partiellement ou totalement.


Marine Vu, peintre et dessinateur, déconstruit puis reconstruit des images empruntées à l’actualité ou à des photographies de famille. Ses incursions sous la surface même de l’image ont pour objectif d’en débusquer l’essence, d’identifier ce qui nous lie à elle et ce qui nous en sépare. Il y est question de dissonances et de résonances, de disparitions et de résurgences, de temps et de mémoire, de conservation et de destruction.
En disséquant l’iconographie, Marine Vu met en évidence ses complexités et ses ambivalences. Elle fait dialoguer dit et non-dit, intime et public, réel et virtuel, présence et absence… Elle souligne la fragilité de toute représentation, la dualité de l’image et sa plasticité aux regards que nous lui portons, tout en explorant les limites de la figuration.
Dans sa série la plus récente, Nuits blanches, Marine Vu confine l’œuvre dans les limites bidimensionnelles du support, au point même d’abolir la traditionnelle opposition dialectique entre fond et forme. La quasi-monochromie blanche, impose, selon le propos de Kandinsky, un silence qui prélude à un (re)commencement. On y décèle l’imminence de la survenance d’un quelque chose, indéfini, même pas suggéré, laissé à l’imagination du regardeur.
Retour spéculaire de l’image du spectateur laissé à ses propres contradictions et invité au passage à l’action ? Marine Vu alimente ainsi une réflexion sur l’essence même de la peinture, dégagée des règles de la perspective, des poncifs de la figuration mais aussi des canons de l’abstraction. Qu’en est-il d’une image qui n’en est pas une, apparaissant sur un fond dont elle ne se détache pas et dont la perception se forme et se déforme selon l’éclairage, l’angle de vue et l’orientation du support ?


Julien Wolf, jeune artiste formé à l’École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg, s’est vite voué à la peinture.
Sa pratique s’inscrit dans la descendance d’un expressionnisme matiériste, peuplé de personnages tour à tour burlesques et inquiétants. Sa gamme chromatique reste globalement sourde, avec des éclats de rouges ou de jaunes qui focalisent le regard, concentrent l’attention du spectateur et la déstabilisent. Ce sont des sortes d’exutoires à une violence latente qui ne demande qu’à s’exprimer, à sauter à la gorge du regardeur pour l’engloutir dans le tourbillon de la farce grotesque et démesurée qui se déroule sur le plan de la toile de lin, souvent laissée libre pour faciliter ce rapt visuel, cette prise d’otage sans espoir de retour.


Karine Zibaut écrit, met en scène, photographie, crée des vidéos… Ses travaux photographiques se situent aux antipodes de la tendance conceptuelle qui tend à prévaloir aujourd’hui. Elle se situe résolument dans une vision littéraire et poétique, traitant de la femme, du rêve, de la nature… dans une vision qui peut être joyeuse ou grave, selon les circonstances.
De sa série L’Apnée des ombres, elle écrit : « Ombres corporelles ou souvenirs oubliés ? Mémoires cellulaires baignant entre deux rives ? Émanent d’elles les racines d’une étrange vie. Quelque part ailleurs, hors de l’eau peut être un corps, un être. Ici un travail est en cours, au rythme si lent qu’il est imperceptible. Il remonte à la nuit des temps. Seul émerge en silence l’apaisement. Je ne peux devant ce rivage ne poser que des questions. Et les poser m’est doux. Comme si chaque ombre m’interrogeant était en elle-même une réponse. Il m’a fallu si longtemps pour les faire apparaître. »


Laura Zimmermann pratique une peinture sans concession. Ses tableaux exploitent les éléments de l’iconographie populaire de notre temps, qu’elle traite rapidement en feignant une facture maladroite, vite faite, à l’instar du street-art. Elle dévoie ces images banales et insignifiantes en leur conférant une dimension universelle, génératrice, selon les séries, d’angoisse et de malaise ou de tendresse et d’empathie. Elle peut en effet représenter des enfants jouant avec des armes de guerre (série La violence ordinaire) ou des bambins souriants, dans des attitudes plus conventionnelles (série The Kidz).
Laura Zimmermann peint ses toiles à même le sol, attaquant leur surface avec des gestes qui s’apparentent à une attaque du support. Cette brutalité dans l’exécution révèle la violence souterraine, mêlée de fragilité, de ses sujets.

Quelques acquisitions récentes




Jean-Bernard
FENOUILLAS
Morgan
MERRHEIM
Gilgian
GELZER
Alphonsine
DAVID


À ne pas rater...




macparis 2015
du 26 au 29 novembre 2015
Espace Champerret
75017 PARIS


Antoine Perrot
Simple comme bonjour

du 26 septembre au 15 novembre 2015
Galerie Réjane Louin – 19 rue de l’Église – 29241 LOCQUIREC


Les 111 des arts
du 18 au 22 novembre 2015
Mairie du VIIIe arrondissement – 3 rue de Lisbonne – 75008 PARIS


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